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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/31

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ch. dunan. — le problème de la vie

se trouve à cet égard redouble encore, si l’on considère que ce n’est pas seulement entre les différents points de la série simultanée des phénomènes constituant l’univers à un moment donné, que doit régner une harmonie générale suffisante pour faire de cet univers un cosmos, et non pas un chaos, au moment que l’on considère ; qu’il faut de plus, qu’au sein de cette harmonie et de cette coordination générales, se trouvent des harmonies et des coordinations particulières, puisque autrement on n’aurait qu’un état défini et ordonné de la totalité des choses, mais point d’existences particulières ni définies au sein de cette totalité. Il résulte de là que le nombre des conditions auxquelles on est entraîné à soumettre chaque phénomène croît sans limites, de sorte qu’il faut attribuer à la matière en quelque sorte une plasticité absolue. Mais c’est ce qui paraît impossible à admettre ; d’autant plus qu’une plasticité absolue équivaudrait rigoureusement à une indétermination absolue, et que, si la matière et les phénomènes étaient en soi absolument indéterminés, la matière et les phénomènes ne seraient absolument rien. La dépendance d’un phénomène à l’égard de tous les autres suivant la loi des causes efficientes, dépendance que nous-même avons admise, devient une absurdité si on l’entend en ce sens que chaque phénomène est effectivement conditionné par tous les autres, dont le total est infini ; mais l’absurdité croît encore si, à l’infinité des conditions dues à la loi des causes efficientes, on ajoute une infinité nouvelle due à la loi des causes finales.

Passons maintenant à des difficuttés d’un autre ordre. Nous avons admis avec Leibniz, et il n’est pas possible de se refuser à admettre que, dans la théorie de la finalité, la supposition d’une force agissant du dehors sur des éléments pour les contraindre à réaliser la fin qu’elle se propose est inutile, et que c’est dans ces éléments eux-mêmes qu’il faut placer la force qui les coordonne. Mais il reste à savoir quels sont les éléments en question, et si leur nature se prête bien au rôle qu’on prétend leur faire jouer. La force qui les meut ne peut être qu’une idée, ou une tendance, ou une idée et une tendance à la fois. Or la même raison qui nous interdit de mettre hors de l’élément un moteur qui le meuve nous interdit également de mettre dans l’élément même, en dehors de l’idee ou de la tendance, quelque chose d’inerte et de mort que l’idée ou la tendance auraient à mouvoir. Par conséquent, l’élément ne peut être qu’idée pure ou tendance pure, sans mélange de quoi que ce soit d’étranger. Il est une réalité, une seule, qui remplit cette condition, c’est le mouvement. Il s’agit donc de savoir si, dans ce monde de notre expérience, tout est mouvement, si le mouvement y est le principe de