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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/30

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Que de plus il existe une infinité de séries semblables, et que toutes ces séries soient harmoniques entre elles, en ce sens du moins que toutes concourent ensemble à la réalisation d’un seul et même idéal, cela peut se concevoir encore. Voici donc la part d’influence que l’on peut faire à la loi des causes finales dans un monde de phénomènes déjà soumis à la loi des causes efficientes toutes les séries phénoménales qui s’y déroulent à travers le temps convergent vers une même fin. Mais il faut aller plus loin si l’on veut rendre compte de la réalité tout entière, et c’est alors que les difficultés apparaissent. Le monde n’est pas une harmonie seulement quant au terme final à la réalisation duquel il aspire, mais encore quant aux étapes successives qu’il franchit pour y arriver ; c’est-à-dire que, si nous désignons par ABCD, abcd, αβγδ, des séries de phénomènes successifs toutes convergentes vers la réalisation d’un idéal unique, il faudra admettre que ce ne sont pas seulement les termes idéaux auxquels toutes ces séries aboutissent qui sont harmoniques entre eux, et qu’une certaine coordination règne déjà dans le corps même de ces diverses séries entre les termes qui les composent. Par exemple, si nous admettons que les phénomènes A, a, α, et, se produisent simultanément, de même que les phénomènes B, b, β, et ainsi de suite, il faut admettre que les séries de phénomènes simultanés Aaα, Bbβ, Ccγ, etc., sont composées de termes constitués harmoniquement les uns à l’égard des autres, puisque chacune de ces séries représente un moment de la vie du cosmos, ce qui revient à dire que ces termes se conditionnent tous les uns les autres. Or, c’est ce qui paraît impossible, attendu que chaque phénomène est conditionné déjà, et même déterminé en totalité, à ce qu’il semble, par les phénomènes de la série successive, dont il fait partie : par exemple, le phénomène B est déterminé en totalité, d’une part, par son conséquent C en vue de la production duquel lui-même existe, et d’autre part, par son antécédent A, dont l’existence rend la sienne nécessaire ; de sorte qu’il ne reste plus rien par où les autres phénomènes de la série simultanée dont il fait partie, b et β, puissent avoir prise sur lui. Sans doute, il n’y a aucune difficulté concevoir que l’une des séries simultanées, par exemple Ccγ, soit ordonnée harmoniquement, puisque précisément tout tend à la constitution d’une série simultanée finale où l’harmonie sera parfaite, mais que toutes les autres séries simultanées auxquelles celle-là succède, Bbβ, Aaα, etc., soient également ordonnées d’une manière harmonique, sans préjudice de la nécessité où elles sont de se déterminer les unes les autres suivant la loi des causes efficientes, voilà ce qui paraît difficile à comprendre. Et l’embarras en présence duquel on