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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/37

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ch. dunan. — le problème de la vie

IV

La doctrine mécanico-téléologique telle qu’elle nous est apparue jusqu’ici, celle à laquelle s’adressent les observations qui précédent, est une doctrine suivant laquelle les choses existent par progression et composition de leurs éléments ; de sorte que tout degré supérieur de réalité a son origine dans un degré inférieur, et, en dernière analyse, dans les mouvements élémentaires de la matière à travers l’étendue ; c’est le mécanisme de Descartes et des savants en général. Mais les métaphysiciens entendent parfois le mécanisme d’une manière toute différente. Convaincus comme nous que l’origine d’un phénomène ne peut être cherchée dans des mouvements élémentaires de la matière, qu’il faudrait nécessairement poursuivre à travers l’infinité du temps et de l’espace, ils abandonnent la méthode progressive, ou de composition, qui va des éléments aux choses et des parties au tout, pour la méthode régressive, qui part au contraire du concret et du réel comme d’une donnée fondamentale, pour aller aux parties, aux éléments et aux conditions ; et s’ils sont encore mécanistes, malgré ce changement considérable de point de vue, c’est qu’ils aperçoivent dans un mécanisme restreint l’explication incomplète, mais possible, et, dans le mécanisme universel, l’explication définitive et complète, mais idéale et inaccessible, des phénomènes qui leur servaient de point de départ.

Il y aurait donc là, à ce qu’il semble, une nouvelle forme du mécanisme que nous aurions maintenant à combattre, puisque nous repoussons toute doctrine mécaniste d’une manière générale. Mais ce serait dépasser trop les limites raisonnables d’un article de Revue, et abuser de la patience du lecteur, que d’entamer maintenant une discussion pareille. D’ailleurs il ne semble pas que la chose soit utile après les discussions qui viennent d’être poursuivies ; car, à l’égard du mécanisme, les raisons par lesquelles nous nous sommes efforcés de prouver que l’explication mécanique d’un phénomène, quoique susceptible d’être poussée aussi loin qu’on le veut, n’établit jamais une connexion entre ce phénomène et la totalité des autres, subsistent toujours, de quelque façon que le mécanisme soit envisagé et, pour ce qui est de la finalité, outre que son sort est lié à celui du mécanisme, les difficultés que nous avons signalées au sujet de l’impossibilité où l’on est de déterminer l’élément sur lequel la cause finale aurait action, nous paraissent subsister également, de quelque façon que la finalité soit entendue.