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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/433

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REVUE GÉNÉRALE. — le spiritisme contemporain

parin, propose de considérer ces faits comme des manifestations de la force ecténéique (ἐκτείνω, étendre), car ils présentent tous une extension de la force humaine en dehors des limites de notre corps que d’ordinaire elle ne peut pas franchir. Plus tard ces phénomènes furent désignés par Crookes sous le nom plus connu de manifestations de la force psychique[1], mais ces deux expressions ont le même sens. M. Thury, dans sa lettre à un ecclésiastique publiée par M. A. Pioda, nous donne une classification de ces phénomènes plus ou moins réels. Quelques points de sa classification ne nous paraissent pas heureux et doivent être rattachés selon nous à d’autres groupes de faits ; nous ne signalerons donc que les classes les plus intéressantes. 1o Effets physiques, changements opérés dans la matière sans action musculaire, par influence ecténéique (de la force psychique de Crookes) : a, changement du poids des corps, b, production d’un état vibratoire de la matière, qui se manifeste par des sons entendus dans les murs, etc., c, production d’un agrégat de molécules d’où résultent des figures plus ou moins visibles, ou que l’on peut quelquefois photographier. 2o Action mécanique non musculaire d’un ecténéique sur lui-même ou sur une autre personne, par exemple quand le médium s’élève en l’air, la lévitation. 3o Phénomènes ecténéiques de relations entre différentes personnes, sans l’usage des sens habituels ; a, perception de la pensée d’autrui, b, communication de la volonté. Les deux premiers groupes sont assez voisins l’un de l’autre, le troisième semble, au moins pour le moment, très distinct. Aussi cette classification correspond à peu près à la séparation classique entre les phénomènes physiques et les phénomènes psychiques, que l’on établit d’ordinaire quand on veut mettre un peu d’ordre dans la description des faits mystérieux allégués par les spirites.

Voilà certes un beau programme d’études, même en le réduisant à ces termes. Personne ne prétend que de pareilles recherches soient ridicules et M. Pioda dans ses « Adieux au lecteur » [2] emploie beaucoup trop de temps à les défendre. Nous savons très bien aujourd’hui que la science n’est pas finie et qu’il reste encore bien des merveilles à découvrir. La réalité, qui dépasse tout ce que notre imagination peut concevoir, renferme des choses plus étonnantes que le soulèvement d’une table sans contact ou que l’harmonica de M. Home jouant tout seul un des airs de son répertoire peu varié. Il ne faut pas demander perpétuellement la permission de faire une étude, il faut la faire. Quand la force psychique sera démontrée, on s’inclinera et on lui fera sa place dans la science ; tant qu’elle n’est pas démontrée, il est inutile de la célébrer et de combattre ses détracteurs.

Eh bien, pouvons-nous signaler des progrès sérieux dans ces études ?

    ne scaturische, in « Memorabilia » di A. Pioda, 318, e Lettera inedita ad un ecclesiastico americano intorno ai fenomeni detti magnetici e spiritici, ibid., 359.

  1. Memorabilia, 43.
  2. Memorabilia, 453.