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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/434

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Évidemment non, et il y a même sur ce point bien peu d’observations ou de recherches originales. Presque toujours on se contente de publier de nouveau, de répéter pour la millième fois quelques récits célèbres et devenus classiques. On ne peut se figurer combien de fois les expériences de Crookes et les détails de la vie de Home ont été racontés dans le congrès et dans les Revues spirites[1]. Mais ils ne voient donc pas que c’est toujours la même chose ? et puisque M. Crookes, avec tout son génie, n’est pas parvenu à nous convaincre de l’exactitude de ces faits, est-ce que les spirites d’aujourd’hui se figurent y parvenir, en répétant plus mal les mêmes récits ? La seule chose intéressante à dire à ce sujet c’est que M. Crookes, vingt ans après le célèbre mémoire sur « les Phénomènes du spiritualisme », maintient encore l’opinion qu’il avait exprimée. Or, cela nous est clairement indiqué dans une lettre de Crookes à M. Pioda, qui a réuni, comme nous l’avons dit, tous les travaux de cet auteur sur le spiritisme. Il faudrait maintenant faire autre chose, reprendre ces expériences, les vérifier, en faire de nouvelles et réunir ainsi tous ces faits en un corps de doctrine qui se rattache à l’ensemble des sciences déjà constituées.

C’est bien difficile, dira-t-on, puisque nous n’avons pas l’occasion d’observer des faits de ce genre et que nous ne rencontrons plus de sujets aussi merveilleux. Mais cependant la Revue spirite, de temps en temps, décrit des anecdotes tout à fait analogues à celles qui ont illustré la carrière de Home. Voici un individu qui ne peut pas toucher à une chaise sans qu’elle se casse[2], un enfant dont la seule présence éteint les bougies[3]. Voici la veuve Picard occupée à faire la lessive ; son savon lui glisse entre les doigts, file par la porte et rentre par la fenêtre[4]. Un ménage bien heureux, et qui s’enrichira rapidement, voit des esprits jeter du haut du plafond des bagues et des boucles d’oreilles en or[5]. De deux choses l’une, ou les écrivains spirites prennent eux-mêmes ces récits pour des plaisanteries ; alors pourquoi se permettent-ils de les raconter ? Ou bien ils les croient sérieux : alors pourquoi ne soumettent ils pas le sujet à une étude attentive, pourquoi ne recommencent-ils pas les expériences de Crookes, pourquoi racontent-ils en quelques lignes et sans aucune explication des choses aussi invraisemblables ?

« Où j’attends le savant, dit un orateur du congrès spirite, c’est à l’examen sérieux des faits physiques, quand il sera forcé d’y venir. Je lui promets quelques surprises[6]. » Eh bien, soit ; en étudiant ces faits, le physicien trouvera peut-être un jour des merveilles ; mais ce sera lui qui les aura trouvées et les spirites ne pourront réclamer aucune

  1. Congrès spirite, 42, 83, 101, etc.
  2. Rev. spirite, 1891, 135.
  3. Ibid., 112.
  4. Ibid., 59.
  5. Congrès spirite, 214.
  6. Congrès spirite, 331.