Aller au contenu

Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
b. perez. — la maladie du pessimisme

n’ont pas échappé à Lancereaux. « Les herpétiques, dit-il, sont des gens intelligents, d’une volonté ferme ou chancelante, suivant la prédominance de leurs facultés intellectuelles ou affectives. Les hommes instruits, rigides dans le devoir, profondément religieux, de même que les personnes changeantes, jalouses, vindicatives, sont généralement entachés de cette maladie : on pourrait donc dire que les herpétiques constituent la meilleure et la pire portion de l’humanité. S’il a le jugement droit, l’herpéthique devient parfois un inventeur s’il ne voit pas juste, il verse dans le spiritisme, le magnétisme, le mysticisme. L’esprit de cet homme est inquiet, chercheur, insatiable, le plus souvent triste, à moins que la tristesse ne soit remplacée par une gaieté exagérée, folle, comme si la pondération faisait défaut. » L’exagération est ici évidente.

Il est plus intéressant d’étudier le caractère spécial des arthritiques en plein état de santé et en dehors de toute manifestation pathologique. C’est tout d’abord un état d’excitabilité permanente qui les fait réagir vivement à l’occasion des impressions mêmes futiles. Sur ce fonds d’excitabilité psychique vient de loin en loin « se greffer un état plus aigu, que caractérisent des symptômes quasi-neurasthéniques ». Leur état habituel, c’est une inquiétude permanente, un grand besoin d’air et d’espace[1], une susceptibilité excessive aux variations de température, physiquement et moralement, le besoin de s’agiter. « Cette anxiété, cette mobilité, que nous venons de signaler à propos des mouvements, se retrouvent à chaque instant dans le caractère. L’arthritique est toujours à l’affût du nouveau, non par curiosité, mais par besoin maladif. Sans cesse il propose un but à son activité, et à peine l’a-t-il atteint, qu’il lui en propose un autre ; s’il en manque, il est réellement malheureux. Tout ce qu’il fait, il le commence avec ardeur, mais il manque de persévérance, et s’il ne réussit pas rapidement, il tourne ses efforts d’un autre côté. Un insuccès ne le décourage guère, car c’est pour lui un motif de terminer une chose en train et d’en recommencer une autre. En somme, il est rarement satisfait, car désirant toujours quelque chose qu’il n’a pas, il manque toujours quelque chose à son bonheur. »

Cette inquiétude morale ne se présente pas toujours sous une forme aussi accusée. Elle varie avec les races, avec les individus, et se manifeste différemment selon qu’elle se rencontre chez un arthri-

  1. Chez quelques arthritiques on observe de l’oppression et « de l’anxiété respiratoires, et l’aggravation du malaise moral habituel. Ils ne peuvent supporter le séjour dans une église, dans une salle de spectacle ou de concert, surtout s’ils savent les portes fermées. Ce même sentiment de gêne et d’oppression existé même en plein air, dans une foule, par exemple, et sans qu’il y ait en aucune fac, on obstacle à la respiration. »