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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/55

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PHILOSOPHES ESPAGNOLS DE CUBA


FÉLIX VARELA — JOSÉ DE LA LUZ

En moins de trois ans, l’Espagne a produit trois ouvrages remarquables par le courage dont les auteurs ont fait preuve en disant les plus dures vérités à leur patrie. Le premier en date est l’Espagne telle qu’elle est, publié en français, à Paris, en 1887 ; le second a pour titre Los males de la Patria, y la futura revolución española ; le troisième, le plus récent, Plus ultra. Les deux derniers ont paru à Madrid dans le courant de cette année. Le premier a pour auteur un publiciste catalan, M. Valentin Almirall ; le second, un ingénieur, M. L. Mallada ; le troisième, un médecin, M. J.-M. Escuder. Quelle que soit la divergence de vues et de principes, les trois consultants ont des tendances communes, et leurs conclusions sont à peu près les mêmes : un peuple qui a mal vécu dans le passé ne doit point s’inspirer, s’il veut vivre, d’une tradition détestable. Cet accord non prémédité est d’un bon augure ; on peut le considérer comme un bon symptôme, dans un état pathologique des plus graves.

Le publiciste catalan a cherché les causes du mal, et, sans remonter au déluge, il a très bien vu que la découverte de l’Amérique a été la principale source de ces longues calamités qui ont appauvri, épuisé, ruiné la nation la plus favorisée de la fortune. Rien n’est plus vrai, si l’on reconnaît que l’Espagne a étendu à ses possessions d’outremer le régime qui devait la perdre elle-même, en l’aggravant, et qu’elle a traité ses colonies comme l’Inquisition traitait les hérétiques. La plupart des républiques de l’Amérique espagnole attestent la pernicieuse influence de l’ancienne métropole par leur vitalité précaire, leurs lents progrès et l’anarchie fratricide. On pourrait les comparer à des esclaves émancipés qui ne savent pas être libres. L’Espagne, qui ne les avait point préparées à la liberté, a dû se résigner à vivre sans les revenus de ces terres du nouvel hémisphère, perdues sans retour ; mais les dures leçons de l’expérience l’ont été également. Les colonies qui lui restent sont exploitées suivant le régime traditionnel de corruption systématique et d’autorité : ans contrôle. Aux Antilles, comme aux Philippines et ailleurs, les gouverneurs militaires règnent en satrapes, secondés par les jésuites. La situation est pire