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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/591

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a. fouillée. — existence et développement de la volonté

diate qui en résulte aussi sûrement que, dans le monde physique, la réaction résulte de l’action. On ne pourra plus affirmer alors que la réaction psychique soit un ensemble de sensations passives qui, combinées, donnent l’illusion de l’agir et du vouloir ; aucune combinaison de passivités n’explique d’une manière intelligible le sentiment d’activité, et le vouloir-vivre est aussi clair en nous que la sensation même. De plus, pourquoi le plaisir ou la douleur seraient-ils reconnus réels, tandis que le vouloir-vivre ne le serait pas, du moins en tant qu’activité véritable ? Le terme de sensation donné à tout mode de conscience n’a pas la vertu de supprimer les réelles différences entre les modes de conscience ; or, l’attitude sentante, dans l’expérience intérieure, ne saurait se confondre avec l’attitude de celui qui veut et fait effort pour maintenir ou supprimer la sensation[1]

  1. Dans l’étude de M. Charlton Bastian, qu’a publiée la Bévue d’avril 1892, l’auteur admet, avec beaucoup de psychologues contemporains, que « l’attention est la faculté primordiale » dont la volition est un développement ultérieur. Nous croyons que c’est là l’inverse de la vérité et que l’attention est simplement l’appétition dirigée vers la perception au lieu d’être dirigée vers l’artion musculaire. M. Bastian ajoute que « l’atlention et la volition appartiennent l’une et l’autre à la catégorie des sensations actives », expression étrange, qui montre comment on est obligé de rétablir d’un côté ce qu’on nie de l’autre.

    Selon M. James (Psychologie, t.  I, p. 30), « des idées de sensation, des idées de mouvement, voilà les facteurs élémentaires dont notre esprit est construit ». Mais que devient alors l’appétition, que deviennent même le plaisir et la peine ? Il faudra faire entrer de force l’appétition dans la sensation, ou dans les idées de mouvement, qui ne sont que les résidus d’impressions kinesthétiques. Esl-ce là une thèse vraiment démontrée ? M. Bastian l’admet comme telle, mais sans preuves, et il ajoute, pour nous donner nue idée de la constitution radica e de la conscience : « Nous avons dans l’écorce cérébrale un registre étendu où s’inscrivent deux espèces d’impressions sensorielles : celles qui primitivenent excitent un mouvement, et d’autres impressions sensorielles (kinesthétiques) résultant de ces mouvements et constituant un guide et un modèle pour l’exécution ultérieure des mouvements similaires. » Sur le second groupe d’impressions sensorielles, celles qui résultent du mouvement (ou sensations kinesthétiques) et qui servent de guides pour les mouvements ultérieurs, nous sommes d’accord avec M. Baslian ; mais qu’est-ce, dans l’autre groupe, que ces impressions prétendues purement sensorielles « qui primitivement excitent au mouvement » ? Ce mot excitent rétablit toute la difficulté. Pourquoi certaines impressions excitent-elles à des mouvements d’écart, par exemple ? Parce qu’elles sont douloureuses. Fort bien ; mais est-il évident que la douleur soit elle-même une pure impression et purement sensorielle ? De plus, pourquoi la douleur même excite-t-elle au mouvement, c’est-à-dire au changement, si elle ne rencontre pas une direction générale antécédente qu’elle contrarie, une appétition de bien-être à laquelle elle s’oppose ? La non-indifférence de l’être sentant à ses sensations n’est-elle elle-même qu’une sensation ?… On voit quel pêle-mêle d’idées dissemblables recouvre l’apparente simplicité de cette division en sensations excitant au mouvement et sensations résultant du mouvement.

    Enfin M. Bastian pose, comme « accepté de tout le monde », non seulement que la succession de nos pensées est soumise à la loi de l’association des idées, mais que les associations ne sont qu’un « réflexe de coexistences et de séquences externes ». Cette théorie spencérienne suppose que nous enregistrons passi-