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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/61

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j.-m. guardia. — philosophes espagnols de cuba

cussion. L’autorité de la tradition y est tempérée par ce doute méthodique ou scientifique qu’exige la recherche de la vérité. La théologie ne tient à rien de réel et de solide, en quoi elle ressemble à la magie ; tandis que la philosophie enfonce ses racines dans la réalité par les sciences, celles-ci ne traitant que de ce qui est. Tous les philosophes modernes que l’auteur propose à l’admiration, à l’imitation de la jeunesse, Descartes, Gassendi, Newton, Leibniz, philosophèrent en savants.

Faire marcher ensemble la science et la philosophie, c’est proclamer la souveraine autorité de l’expérience et de la raison et donner congé au mystère et au miracle. Déclarer la philosophie éclectique, au sens étymologique du mot, c’est reconnaître l’indépendance de la pensée et la prémunir contre toute velléité d’inféodation à la doctrine systématique de n’importe quel maître, en faisant appel à l’esprit de discernement. Eclectique est synonyme d’indépendant, et le réformateur n’entend pas qu’on puisse équivoquer sur l’étiquette. Son esprit très hardi et très fin, très conciliant et très souple, ne transigeait point sur ces principes de probité qui sont en somme le fondement de la méthode. Ce réformateur de vingt-trois ans était un caractère : il avait le courage et la fermeté ; il savait vouloir, et son exemple ne fut pas perdu. Comment serait-il possible d’oublier son rôle de précurseur ? Grâce à lui, la rhétorique fit place à la philosophie, et la méthode inductive s’imposa aux apprentis philosophes par un cours de physique et de chimie où les expériences remplaçaient le raisonnement et préparaient la voie aux sciences naturelles, à la connaissance du monde organique. La pure doctrine de Locke, renouvelée d’Aristote, réhabilitait les sens, dissipait les fantômes de la métaphysique réaliste, ramenait la psychologie à l’observation de la nature, à l’analyse du mécanisme des fonctions de la vie spirituelle. Les phénomènes de la sensibilité sévèrement analysés ramenaient la psychologie à la physiologie ; et la science de l’homme prenait corps en se rapprochant des sciences organiques. L’introduction de la méthode expérimentale dans l’antique Faculté des arts fut le point capital de cette révolution scolaire, opérée sous les yeux ravis d’une élite de patriotes. L’observation et la raison associées produisirent l’expérience : telle était la thèse de cette philosophie si différente de la scolastique.

Les progrès de la réforme pouvaient être suivis d’une année à l’autre par ces programmes de clôture, qui résumaient les matières et l’esprit du cours, et dont le recueil, s’il était fait avec soin, résumerait les annales de la philosophie cubaine. C’est aux amis des études philosophiques, qui ne manquent point à Cuba, qu’il appartient de le faire.

En 1814 parut le résumé des doctrines métaphysiques et morales qui formaient la substance du cours (Resúmen de las doctrinas metafisicas y morales enseñadas en el colegio de San Carlos de la Habana. Oficina de Boloña ; 13 p. in-4o). Cette brochure était la première publi-