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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/63

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j.-m. guardia. — philosophes espagnols de cuba

rejette nettement le principe d’autorité, l’argumentation scolastique, l’ontologie, la prétention de réduire à néant les passions humaines, l’égoisme qui se désintéresse du monde environnant, l’indifférence en matière de patriotisme, le préjugé qui tient les femmes dans l’ignorance, la foi qui repousse les lumières et la discussion, l’orgueil entêté qui s’obstine à ne point changer d’avis. On dirait un cartésien cherchant dans le doute méthodique le préservatif de ces illusions qui empêchent de voir les choses comme elles sont, soucieux avant tout de la vérité et de l’utilité pratique des connaissances acquises à l’école. En un mot, on apprenait à la jeunesse à philosopher. Sans toucher à la politique, Varéta préparait ses disciples à revendiquer leurs droits et à pratiquer leurs devoirs. Ce n’est pas là une raison pour en faire un révolutionnaire. L’éloge de Ferdinand VII, les oraisons funèbres de Charles IV et du surintendant D. José Pablo Valiente montrent un esprit libéral et généreux.

La Société royale de Cuba, foyer de patriotisme et de lumière, devait s’associer un patriote aussi éclairé : ce qu’elle fit le 24 janvier 1817. Il paya sa dette à l’Assemblée par un discours de réception dont le sujet convenait admirablement au récipiendaire : Demostrar la influencia de la ideologia en la sociedad, y modos de rectificar este ramo. C’était mettre le nouveau venu a l’aise. Il répondit à l’invitation en quelques pages sobres et fortes, développant cette pensée, que la connaissance de la vérité doit s’étendre au grand nombre, afin que, par la diffusion des lumières, les gouverneurs des peuples aient une conscience plus claire de leur responsabilité. Le but de l’idéologie étant de former le jugement par l’analyse, la connaissance des vérités utiles à l’homme et à la société doit être le fondement de l’instruction publique. De là l’obligation de réformer l’enseignement, de manière que la jeunesse apprenne à se conduire par les lumières de la raison et par les méthodes qui dérivent de l’étude de la réalité. Il faut que le jeune homme soit exercé à penser, et non à répéter mécaniquement ce qu’on lui a appris par routine. C’est par la méthodologie que l’enseignement deviendra fructueux. Les réformes urgentes sont brièvement indiquées. Dès les premières années, la jeunesse doit être initiée à ces connaissances élémentaires qui, graduellement accrues, sont la matière de l’enseignement philosophique. C’est l’analyse appliquée à l’étude des choses qui doit remplacer la mnémonique. Par conséquent la réforme doit commencer par l’instruction primaire. L’étude du réel rapproche de la nature, laquelle est la véritable institutrice, Et verdadero maestro del hombre es la naturateza. Les vrais maîtres enseignent sans avoir l’air d’enseigner. Au lieu de commencer par les règles, c’est par elles qu’il faut finir, Es preciso concluir por donde ahora se empieza. Ce n’est que par l’application suivie de l’analyse qu’il est possible d’arriver, à la fin des études, à la pleine possession de la logique ou de la méthode. Un bon livre élémentaire pour l’en-