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et faites encore passer une étincelle, il ne se produit rien. Est-ce à dire que l’hydrogène est devenu complètement inactif, relativement à l’oxygène et à l’étincelle ? Non pas, c’est maintenant de l’eau, dissolvant simplement l’oxygène… dont les propriétés diffèrent complètement de celles de l’hydrogène. Une substance n’est substance que parce qu’elle n’est point inactive.

Mais ceci n’est rien encore ; voyons ce que pense M. Ferrero du principe d’inertie : il dit, plusieurs fois, que, dans certains cas, le cerveau entre dans un état d’inertie absolue, et, plus loin, que la fonction de la sensation ébranle l’inertie mentale. En résumé, il croit que la loi d’inertie consiste en ce qu’aucun mouvement n’est éternel ; à ses yeux, évidemment, inertie et immobilité sont synonymes. Ce n’est, je pense, qu’un lapsus, mais il est assez sérieux, car il tendrait à faire croire que M. Ferrero a oublié le premier principe de mécanique ainsi conçu :

La matière est inerte.

Elle ne l’est pas plus ou moins, son inertie est inébranlable, c’est une propriété absolue que rien ne saurait modifier. Tel est le principe de l’inertie. De plus, M. Ferrero pense préciser la notion de force, « … de cette espèce particulière de force que nous appelons nerveuse, faute de savoir rien de plus précis sur elle, mais qui, selon toutes les probabilités, doit en dernière analyse se réduire au mouvement. »

L’appeler nerveuse n’apprend rien de plus sur cette force, et, d’ailleurs, c’est nier la définition même d’une force que de dire qu’elle se réduit en mouvement, car la seule façon employée, que je sache, en dynamique, pour avoir une idée de force, est de la définir par le mouvement lui-même. Pour exemple, nous allons, si vous le voulez bien, préciser un peu ces notions d’inertie et de force en les développant.

La matière est inerte ; c’est-à-dire que si à un instant donné, un mobile est abandonné à lui-même (vulgairement, soustrait à l’action de toute force), il conserve indéfiniment en grandeur et direction la vitesse qu’il avait à cet instant, il est animé d’un mouvement rectiligne et uniforme ; si en particulier cette vitesse initiale est nulle, elle reste nulle et le corps est dit au repos. Ainsi conçu, le principe de l’inertie implique donc le mouvement éternel, contrairement à l’opinion que s’en est fait M. Ferrero. L’on peut d’ailleurs remarquer que ce principe définit en même temps la force, et chaque fois que la vitesse d’un mobile changera en grandeur ou direction, l’on dira que le mobile a été soumis à une force. En particulier, si un corps au repos se met en mouvement, ou inversement, ce changement ne peut s’effectuer que sous l’action d’une force, et, ainsi comprise, l’inertie n’a aucun rapport avec le repos ou la résistance au mouvement, car l’on ne doit pas confondre l’inertie avec la notion plus complexe de force d’inertie.