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définition des surfaces identiques à elles-mêmes, la restreignît-on aux seules surfaces strictement isogènes, le plan et la sphère. Ce n’est pas, comme avec le plan, la droite qu’il s’agit d’y déplacer, mais une figure quelconque qui y a été une fois tracée. C’est certes le moment, ou il ne viendra jamais, de se demander si de pareilles surfaces sont possibles.

La géométrie usuelle, ayant postulé la définition du plan, démontre par les voies ordinaires que, sur le plan, toute figure plane, rectiligne ou circulaire, peut se déplacer sans altération ; puis, engendrant la sphère par la rotation d’une demi-circonférence, elle n’est pas embarrassée de faire voir que la surface sphérique jouit d’une propriété analogue. La métagéométrie, elle, commence par la postuler non pas seulement pour la sphère, mais pour les surfaces sphériques, mais pour la pseudosphère et les surfaces pseudosphériques, toutes surfaces qui ne sont pas strictement isogènes ! Pour montrer combien cette demande est exorbitante, bornons-nous à rappeler que c’est tout récemment qu’un profond géomètre a découvert que cette propriété appartenait à ces surfaces en tant qu’elles sont douées d’une courbure constante. Et comment est-il arrivé à cette découverte, sinon par une suite de déductions dont le point de départ était dans la géométrie euclidienne ? Par quelle série de considérations ne faut-il pas déjà que nous passions pour convenir que, sur un cône par exemple, une figure quelconque peut se déplacer de toutes manières sans déformation ?

On croira peut-être réfuter cette argumentation en faisant remarquer que le postulat de l’espace euclidien est tout aussi compréhensif, puisqu’il présuppose que toute figure, solide ou autre, peut s’y déplacer sans changement. H vient d’être répondu à cette objection. Au fond, la géométrie d’Euclide ne postule que la propriété du plan de recevoir partout une droite et celle de l’espace de recevoir partout un plan ; avec ces deux postulats elle démontre que l’isogénéité de l’espace s’étend à toute surface autre que le plan, et que l’isogénéité du plan s’étend à toute ligne autre que la droite.

Conclusion : pour échapper aux postulats d’Euclide, on commence par en admettre un autre qui implique le postulat du plan et toute la géométrie euclidienne avec des développements transcendants qui dépassent toutes les prévisions qu’ont pu avoir Euclide, Descartes, d’Alembert[1] et Laplace.

Ce n’est pas tout. La définition comporte en dernier lieu la condi-

  1. C’est d’Alembert qui disait que le postulat des parallèles était le scandale de la géométrie.