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Cette critique suffit. Je ne m’arrêterai pas à demander ce que signifie déplacement et si un cercle se déplace quand il tourne sur lui-même. Je veux bien concéder qu’on répondrait à la question d’une manière satisfaisante.


VI


Voilà pour la définition de la surface. Passons à la définition de la ligne — de la ligne géodésique, qui a la prétention de se substituer à la ligne droite.

« Une géodésique d’une surface identique à elle-même est une ligne située sur cette surface et telle que par deux points de celle-ci, il en passe toujours une et généralement une seule. »

Une première observation : n’y aurait-il pas profit à dire plus simplement : ligne généralement déterminée par deux points ?

Nous venons de voir combien il est difficile — sinon impossible — de se représenter une surface identique à elle-même, sans des connaissances géométriques préalables et même très étendues. Le plus grand nombre de ceux qui ont la patience de me lire, ne sont probablement pas encore parvenus à se faire une idée tant soit peu juste de la pseudosphère, et de ceux-là une faible partie seulement auront saisi d’emblée que le cône circulaire droit est une surface identique à elle-même — quoi disant, je ne crois pas leur faire injure. Lorsque, il y a quarante ans, simple étudiant, je colportais chez mes professeurs mathématiciens ma nouvelle définition de la droite — une ligne indéfiniment divisible en parties semblables ou dont les parties, quelles qu’elles soient, ne diffèrent qu’en grandeur — tous commençaient par m’opposer la circonférence, et ce n’était pas toujours d’un premier coup qu’ils voyaient qu’un arc d’un cercle n’est pas semblable à autre arc plus grand ou plus petit du même cercle[1].

Pour procéder avec ordre, nous laisserons pour le moment les géodésiques de la pseudosphère, et nous envisagerons la définition comme se rapportant au plan, dont les géodésiques sont, comme on le sait, des droites.

La droite, par conséquent, sera définie la ligne qui, sur le plan, est telle que, par deux points, il en passe toujours une et généralement

  1. Lorsque, en 1863, je devins à Gand le collègue du mathématicien Lamarle, dont j’avais, dans mes Prolégomènes, critiqué la démonstration du postulat d’Euclide et à qui j’avais adressé un exemplaire de mon ouvrage, il m’avoua l’avoir jeté là sans le lire parce que ma définition de la droite s’appliquait à la circonférence. Tout récemment encore, un autre collègue, professeur de géométrie supérieure, me fit la même objection. Ces sortes de malentendus me font craindre vraiment d’être imbu de mes propres idées au point d’adresser des reproches aussi peu fondés aux définitions métagéométriques.