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communique son mouvement à une ou plusieurs cellules corticales. Il modifie ces cellules, les anime d’un mouvement passager qui, vu du dedans, par la conscience, constitue ce que nous appelons : rouge, chaud, froid, pesant, brillant, etc. Toute image cérébrale, vue du dehors, est un mouvement particulier différent pour chaque espèce de stimulation, différent pour chaque nuance dans la stimulation. C’est donc un mouvement représentatif déformant momentanément une cellule corticale, c’est-à-dire changeant l’état antérieur d’équilibre moléculaire de la cellule affectée.

Or tout corps solide qui sous l’empire d’une force agissant momentanément sur lui, a subi une déformation, ne reprendra plus jamais sa forme première. En vertu de leur élasticité imparfaite, les molécules qui ont été écartées les unes des autres et celles qui ont été rapprochées sous l’action de la force momentanée, demeureront toujours écartées et rapprochées plus qu’elles l’étaient auparavant. La trace qu’aura laissée une première modification, rendra plus aisée une seconde déformation semblable ; celle-ci facilitera la troisième, et ainsi de suite. Donc toute modification moléculaire des cellules de l’écorce cérébrale, toute image et par là même toute idée liée à une ou plusieurs images, quand elle se reproduit une seconde, une troisième, une dixième fois ; se formera plus aisément, s’accompagnera d’un effort moindre que celui que nécessite la formation d’images nouvelles. La base physiologique de la faculté rétentive consiste dans la perception de la facilité relative avec laquelle une image ancienne surgit au milieu de la foule innombrable toujours des images qui apparaissent pour la première fois. Cette quantité d’images nouvelles qui se produisent à chaque moment, est véritablement prodigieuse. À côté de l’image visuelle renaissante d’un objet connu, se forment les images visuelles de tous les objets qui en un instant sollicitent notre regard, les images auditives des mille bruits flottant dans l’espace environnant, les images olfactives des odeurs épandues dans l’atmosphère, mais surtout les centaines d’images que le sens musculaire dégage dans la profondeur de nos muscles. Le sens musculaire est notre sens fondamental. Lui surtout nous apporte des images nombreuses et éternellement variées.

Si dans ce monde d’images qui occupent en un instant le champ de la conscience, il en est une ou plusieurs qui se représentent, nous avons conscience de leur ancienneté, non parce que nous comparons l’image revue a la même image vue autrefois, mais parce que nous la comparons aux autres images nouvelles. Mais cette perception de la facilité d’apparition n’est que la base de la mémoire, elle ne suffit pas, elle donne lieu à des illusions.

Ainsi une image nouvelle se produisant dans des conditions très favorables d’attention passive, pourra surgir avec la même aisance qu’une image ancienne qui trouve les organes adaptés à sa production. Comment corrigeons-nous cette illusion ? — En rappelant les autres images associées à celle qui nous occupe. Si les représentations associées sur-