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son théâtre appelle « le mensonge vital ». On sait avec quelle énergie Ibsen dresse contre les hypocrisies sociales ce qu’il appelle quelque part « la revendication de l’Idéal ». Certes, dit un des critiques d’Ibsen, si Kant pouvait revenir à la vie, comme il exulterait de voir si admirablement dramatisé son rigorisme moral ! comme il rayonnerait de voir son impératif catégorique adapté et approprié à la scène ! » Mais on ne serait peut-être pas fondé à conclure de là qu’Ibsen ait cru au triomphe final de la sincérité. Il semble croire parfois comme Schopenhauer qu’il y a toujours quelque chose de pourri dans notre vérité et que l’humanité ne fait que substituer le mensonge au mensonge.

La conception de Carlyle est plus nette. D’après lui les médiocres sont caractérisés par « l’intelligence vulpine » ; les héros, moteurs de l’histoire, par l’absolue sincérité. La sincérité et la vérité l’emporteront un jour, car l’évolution humaine est dominée par une idée divine qui se réalise progressivement dans les grands hommes.

Ces diverses solutions répondent à une question qui dépasse manifestement l’expérience et que nous ne chercherons pas à résoudre ici. En restant sur le terrain de l’expérience, tout ce qu’il nous est permis de dire, c’est que l’individu peut, dans un ensemble donné de conditions sociales, arriver à reconnaître les mensonges de groupe et à se prémunir contre eux.


G. Palante.