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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


I. — Philosophie générale


Clémence Royer. — La constitution du monde. (Dynamique des atomes nouveaux principes de philosophie naturelle ; 1 vol. de 792 pages. Schleicher frères.)

Quoi que l’on puisse penser de la valeur scientifique de l’œuvre de Mme Clémence Royer, il faut d’abord la louer d’avoir osé l’entreprendre et s’incliner devant son courage. La tranquillité avec laquelle cette femme qui a déjà rendu aux Français le très grand service de leur traduire Darwin, tente une explication de l’univers, en professant une inébranlable confiance dans la science, sa méthode, et la certitude de ses résultats ; son mépris des préjugés traditionnels comme des sottises à la mode, et des paradoxes de nos littérateurs professionnels, doivent imposer en ce moment surtout une admiration respectueuse « Il n’y a d’inconnaissable pour la raison que ce qui n’existe pas. H n’y a rien d’incompréhensible que le contradictoire qui est impossible. Ce que la science ne saura jamais, ce sont toutes les folles visions de l’imagination humaine cherchant à se représenter ce qu’elle ne sait pas encore ; ce sont les rêves fantastiques du sommeil pris durant le jour pour des réalités ; ce sont toutes les erreurs enfantées par le mensonge, exploiteur de la crédulité, » Et plus loin « 11 faut le reconnaître et le dire hautement, toute cette campagne entreprise et menée sourdement, mais avec persévérance, pour faire croire à l’infirmité radicale de l’esprit humain, à l’impuissance de la raison pour découvrir la vérité. est une tactique nouvelle de la vieille thcocratie pour ressaisir le monde qui lui échappe. N’ayant plus le pouvoir d’obliger personne à croire ses prétendus dogmes révélés, elle travaille à ruiner la foi dans la raison, à détruire les bases de l’évidence, à ébranler les conditions et les lois de la certitude.

« Comme à toute époque Dieu a été la somme des ignorances de l’homme, qu’il a constamment diminué de tout ce que celui-ci a appris. ceux qui, en tout, temps, ont vécu aux dépens des dieux. s’efforcent de diminuer la’ quantité à soustraire de ces dieux, primitivement égaux au tout pour augmenter le reste. Us proclament ce reste inconnaissable, pour l’empêcher d’être connu. S’ils accusent la science de faire banqueroute, c’est comme ces escrocs qui crient au voleur pour dépister la police. »

On voit par ces quelques lignes la franchise d’attitude de l’auteur,