Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 53.djvu/32

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Quand on compare la philosophie d’A. Comte à la pensée moderne, il est difficile de ne pas sentir que celle-ci ne se résigne pas à s’enfermer dans les limites de celle-là. Comte a-t-il donc fait fausse route, n’est-ce que par hasard que son nom a survécu, et nos contemporains réparent-ils simplement les erreurs de son positivisme ? Ou bien n’est-il pas plus vrai de dire que la pensée moderne.ne fait que dépasser la sienne dans un mouvement général d’émancipation auquel il a contribué lui-même, mais qu’à tort il a cru pouvoir arrêter ? C’est là ce que nous voudrions établir. Nous devons pour cela résumer en quelques traits principaux l’opposition de nos idées actuelles et de celles de Comte, nous plaçant comme il convient d’abord, au cœur même de la philosophie positive, c’est-à-dire au point de vue de la science rationnelle. Nous montrerons que l’attitude nouvelle correspond à une étape consécutive des trois états, en nous préoccupant de retrouver chez Comte lui-même la préparation inconsciente de cette dernière étape. Il restera à se demander si les réflexions générales ainsi suggérées par la science rationnelle ne trouvent pas leur application jusque dans le domaine de la vie morale et religieuse de l’humanité.

Dans la philosophie positiviste, les faits, c’est-à-dire les phénomènes que nous observons, sont la seule matière de la science. Pour énoncer les lois qui expriment leurs liaisons constantes nous utilisons des idées tirées des faits eux-mêmes par les procédés ordinaires d’abstraction et de généralisation mais ces idées sont toujours des résidus de l’expérience qui se retrouveront dans les choses tels qu’ils en ont été extraits, et se prêteront à une vérification directe et complète. L’esprit est transformé en face de la réalité qui s’offre à lui en une sorte d’organe enregistreur, dont l’activité ne trouve l’occasion de se manifester que par la rapidité et l’ingéniosité avec lesquelles il va au-devant des constatations. C’est ainsi que l’hypothèse est un de ses procédés les plus efficaces, mais à la condition qu’elle énonce