Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 53.djvu/33

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un peu plus tôt ce qui sera observé, à la condition par conséquent qu’elle ne porte que sur des relations complètement vérifiables. Ce n’est pas d’ailleurs que la science doive atteindre ainsi une réalité absolue extérieure à l’esprit. Comte insiste assez souvent sur la relativité de cette science. Mais qu’entend-il par là ? Il veut dire d’abord que les sensations qui pour nous constituent les faits dépendent de nos organes. Qu’on nous ôte le sens de la vue, notre connaissance du monde sera tout autre ; au contraire qu’il s’ajoute un sens nouveau à ceux que nous possédons, et il nous est impossible de mesurer les transformations que subirait par là notre science. Celle-ci est de plus relative à notre situation dans l’univers Nous ne sommes pas n’importe où, mais en un point du système solaire, sur la surface d’une planète particulière ; nous n’observons pas l’univers dans sa totalité, mais seulement ce qui nous entoure, ce qui est près de nous, ce qui n’échappe pas à nos prises. Les lois que nous énonçons ne sont vraies que pour ce monde restreint. Enfin à mesure que notre connaissance s’accroît les lois elles-mêmes se corrigent, de façon à traduire de mieux en mieux la réalité qui s’offre à nous, de sorte que le contenu précis. d’une vérité scientifique porte dans certaines limites la marque du temps oit elle est formulée. Mais toutes ces raisons de relativité n’empêchent pas la science humaine d’être pour nous comme une discipline de soumission, et de se faire par la découverte passive d’une vérité qui, pour ne pouvoir se séparer de nous, n’est cependant pas pénétrée de notre activité personnelle, en ce sens que tous. les éléments qu’elle comporte sont bien véritablement extérieurs à nous-mêmes.

Nous commençons à comprendre que les choses ne sont pas aussi simples, et que les notions fondamentales des sciences théoriquesne sont pas seulement des résidus de l’expérience, qu’il soit toujours possible d’y retrouver par une vérification suffisante. Sans. revenir sur les nombreuses analyses dont nous avons nous-même pris notre part dans ces dernières années, il sera permis de dire que les principes de la science rationnelle, s’ils sont évidemment. suggérés par les faits d’expérience, ne trouvent en eux ni toute leur raison, ni leur signification complète. En vain chercherait-on à combler la distance qui les en sépare par les opérations ordinaires de notre entendement, comparaison, abstraction, généralisation ; en vain voudrait-on y voir des hypothèses provisoires rigoureusement établies par des vérifications ultérieures. Il reste en ces principes, en ces définitions que formule le savant, en ces postulats sur lesquels s’élève incessamment l’édifice de la science théorique, il reste-