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L’EFFORT INTELLECTUEL
Le problème que nous abordons ici est distinct du problème de l’attention, tel que le pose la psychologie contemporaine. Quand nous nous remémorons des faits passés, quand nous interprétons des faits présents, quand nous entendons un discours, quand nous suivons la pensée d’autrui et quand nous nous écoutons penser nous mêmes, enfin quand un système complexe de représentations occupe notre intelligence, nous sentons bien que nous pouvons prendre deux attitudes différentes, l’une de tension et l’autre de relâchement, qui se distinguent surtout en ce que le sentiment de l’effort est présent dans l’une et absent de l’autre. Le jeu des représentations est-il le même dans les deux cas? Les éléments intellectuels sont-ils de même espèce et entretiennent-ils entre eux les mêmes rapports? Ne trouverait-on pas dans la représentation elle-même, dans les réactions intérieures qu’elle accomplit, dans la forme, le mouvement et le groupement des états plus simples qui la composent, tout ce qui est nécessaire pour différencier la pensée qui se laisse vivre de la pensée qui se concentre et qui fait effort? Même, dans le sentiment que nous avons de cet effort, la conscience d’un certain "mouvement de représentations" tout particulier n’entrerai-telle pas pour quelque chose? Telles sont les questions que nous voulons nous poser. Elles se ramènent toutes à une seule : Quelle est la caractéristique mentale de l’effort intellectuel? De quelque manière qu’on résolve cette question, elle laissera intact, disons-nous, le problème de l’attention tel que les psychologues contemporains le posent. En effet, les psychologues se sont surtout préoccupés de l’attention sensorielle, c’est-à-dire de l’attention prêtée à une perception simple. Or, comme la perception simple accompagnée d’attention est une perception qui aurait pu, dans des circonstances favorables, présenter le même contenu -ou à peu près- si l’attention ne s’y était pas jointe, c’est en dehors de ce contenu qu’on a du chercher ici le caractère différentiel de l’attention. L’idée, proposée par M. Ribot, d’attribuer une importance décisive aux phénomènes moteurs et surtout aux actions d’arrêt est