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pas tout à la fois de par l’intuition prodigieuse qui est sa pensée, hors du temps.

Je voudrais prendre quelque peu la défense du procédé analogique ainsi maltraité, et intervertissant les places que distribue trop aisément la méthodologie courante, faire de la déduction et de l’induction trop orgueilleuses des formes déguisées, un peu honteuses, de l’analogie, ce qui les reléguerait au second plan. Il est possible qu’il n’y ait rien de divin dans notre intellect et par suite dans notre science qui en est le produit. Dieu selon toute vraisemblance ne nous a pas constitué dans le ciel des normes logiques qu’il a fait descendre par la suite en notre cervelle par la mystérieuse opération de l’Esprit Saint. C’est nous-mêmes, au long d’une évolution interminable, qui avons dû adapter aux ambiances, sous peine de disparaître, la lumière jaillie on ne sait trop comment de la vie. C’est nous qui nous sommes forgé ces méthodes de ratiocination que notre orgueil a tôt fait de croire absolues. Que l’analogie ait précédé chronologiquement la déduction aussi bien que l’induction, c’est ce qu’il est difficile de mettre en doute. Mais logiquement, dira-t-on ?

La plupart de ceux qui ont théorisé sur les opérations intellectuelles et édifié une logique formelle ou soi-disant telle, sont en effet disposés à croire, devant les révélations du darwinisme, que Dieu n’est pour rien dans le mécanisme de la pensée par lequel nous réduisons l’univers. Tout cela s’est élaboré dans le temps, donc a dans ses origines un caractère essentiellement relatif. Mais par on ne sait quel miracle, le résultat de l’évolution est devenu absolu. La déduction et l’induction, normes que l’esprit s’est instituées tant bien que mal au long des âges peuvent bien être issues d’analogies troubles, mais dès qu’elles eurent été définies, elles sont devenues des lois, un impératif dialectique sous lequel il faut plier. J’estime que l’absolu de nos rationalistes ne mérite guère plus de respect que celui des théologiens, et l’universelle relativité a depuis longtemps emporté dans ses vagues cette croyance où l’humanité aurait tort de s’attarder. Au point de vue logique et non pas seulement chronologique, l’analogie, avec ses tâtonnements avoués, précède et explique la déduction non moins que l’induction qui, elles, prétendent ne plus tâtonner. Rien de divin dans notre façon de raisonner, telle est la conclusion qui s’imposerait en conséquence, au