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opuscules de Proclus traduits ou paraphrasés en latin dès le xiiie siècle.

Tauler doit être rapproché de Suso[1]. La publication de Pierre Noël nous montre les rapports de Tauler avec Albert le Grand et saint Thomas, avec saint Bernard et saint Anselme, Hugues et Richard de Saint-Victor, avec saint Bonaventure et l’Imitation : Tauler que les luthériens avaient revendiqué pour un de leurs précurseurs, est repris comme catholique par les Dominicains. En outre P. Noël établit nettement qu’il ne faut pas parler, comme on l’a fait longtemps, de panthéisme à propos des mystiques allemands. Mais il se borne pour cela à dire qu’on ne doit pas prendre à la lettre des formules exagérées ou équivoques. Il eût mieux justifié son assertion en invoquant le principe de perfection qui règle la pensée de tous ceux dont les doctrines comportent un monde intelligible : comme Plotin, ils admettent tout à la fois que l’Un ou le Bien conserve son entière perfection après avoir produit le monde intelligible et le monde sensible, que l’Intelligence universelle et les intelligences particulières unies entre elles ont une existence propre ; qu’il en est de même de l’âme universelle et des âmes particulières ; que Dieu est tout-puissant et que l’homme est libre[2]. On voit aussi, d’après cette publication, les rapports des mystiques allemands avec Plotin et ses disciples, par l’intermédiaire des Victorins, du pseudo-Denys, de Macrobe, de S. Augustin et d’autres Pères de l’Église, des commentateurs néo-platoniciens d’Aristote et surtout de Proclus[3]. Ainsi s’expliquent les analogies entre Tauler

  1. Nous avons signalé, dans la Revue philosophique (sept. 1911) les deux premiers volumes des Œuvres complètes de Jean Tauler, traduction littérale de la version latine du chartreux Surius, par Pierre Noël. Trois autres volumes ont paru depuis lors. Dans le troisième figurent les Sermons du Temps depuis le dimanche après l’Ascension jusqu’au dixième dimanche après la Trinité. Dans le second est contenue la fin des sermons du temps, du onzième au vingtième dimanche après la Trinité. Puis vient l’École mystique dominicaine du xive siècle avec un avertissement au lecteur, un exposé doctrinal et des sermons d’Eckhart junior et senior, de Henri Suso, de Jean Rusbrock. Dans le tome V, nous trouvons le Propre des saints et le Commun des saints avec un appendice sur les préparations à la mort.
  2. M. Pierre Noël renvoie à l’Esquisse d’une Histoire générale et comparée des philosophies médiévales. Nous y avons rappelé que les conclusions auxquelles nous étions arrivé sur la subordination des principes de causalité et de contradiction au principe de perfection pour la constitution d’un monde intelligible, sont analogues à celles auxquelles a abouti M. Ribot dans la Psychologie et la Logique des sentiments.
  3. Il suffit de rappeler que nous possédons, seulement dans des traductions