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qu’ils voudront atteindre. Mais tous feront appel aux pratiques théurgiques, aux pratiques religieuses de toute espèce pour obtenir de la Divinité qu’elle les aide à se rapprocher d’elle. Pour ceux qui tiendront, à ce point de vue, le dernier rang, ils seront à peu près passifs, ils laisseront Dieu agir en eux et s’abandonneront entièrement à lui. Mais des groupes seront aussi formés par la distinction des conséquences d’ordre pratique ou physiologique, qui résulteront des procédés dont on aura fait usage. Pour quelques-uns d’entre eux, tout au moins, il y aura suppression du sens pratique ; il y aura production de faits morbides, de troubles cérébraux qui prendront parfois même l’apparence de la folie.

Nous arrivons ainsi à la troisième classe des mystiques, à ceux dont on trouvera de nombreux exemples dans l’ouvrage du docteur Thulié[1]. On peut les caractériser d’une façon négative et d’une façon positive. Au premier point de vue, il n’y a en eux aucune tendance au perfectionnement même partiel de leur personnalité, aucune conception de la perfection souveraine à laquelle il conviendrait de s’unir. Par contre, les pratiques capables de troubler l’organisme et le cerveau abondent. Ce sont, comme le dit fort bien M. Th. Ribot, des esprits bornés et ignorants — en qui d’ailleurs les limites esthétiques et morales sont aussi proches que les limites intellectuelles. Le monoïdéisme, en eux, est aisé, en raison même de leur pauvreté psychologique et il se traduit par une suite régulière de mouvements et de discours. Ce monoïdéisme est parfois le résultat, parfois il est accompagné de troubles cérébraux qui voisinent avec la folie, quand ils ne sont pas une des formes de la folie. La misère physiologique est aussi grande que la misère psychologique. Chez les mystiques de la seconde classe, même chez ceux de la

  1. La Mystique divine, diabolique et naturelle des théologiens, par le Dr Thulié, vol. in-8 de viii-406 p., Paris, Vigot frères. — I. Définition et division de la mystique par les mystiques ; II. Le terrain mystique ; III. La culture mystique par entraînement physique ; IV. La culture mystique par entraînement moral ; V. Le premier pas ; VI. Phénomènes mystiques intellectuels, La parole imaginaire, La parole intellectuelle, Les visions imaginaires, La vision intellectuelle ; VII. Phénomènes mystiques dans l’ordre corporel, Hallucinations sensorielles, Les paroles surnaturelles auriculaires ; VIIIid., Visions surnaturelles oculaires ; IX. Phénomènes mystiques de l’ordre affectif, Mariage mystique ; Xid., La jubilation mystique et les saintes voluptés ; XIid., L’extase ; XIIid., Les stigmates ; XIII. Phénomènes mystiques de la grâce, Les dons corporels ; XIVid., Dons intellectuels, Don des langues, Don de la science infuse ; XV. La mystique diabolique ; XVI. Suggestions et auto-suggestions, Causes déterminantes du délire mystique ; XVII. Mystique naturelle et conclusion.