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ESSAI DE CLASSIFICATION DES MYSTIQUES


I. Le mysticisme existe chez des hommes qui diffèrent d’après leur puissance intellectuelle, esthétique et morale, par les aptitudes pratiques et par l’état organique (Th. Ribot). Deux conceptions opposées président à la classification des mystiques : on tient compte de la perfection poursuivie et atteinte ou bien des phénomènes nerveux ou morbides d’où résultent la maladie cérébrale et la folie (Dr Thulié). II. — Les éléments divers du mysticisme : l’idéal, perfection sous forme complète en Dieu, sous une forme aussi élevée que possible dans l’homme. Ses dégradations dans les philosophies et dans les religions positives. Les moyens par lesquels se prépare l’union avec Dieu : d’abord développement exclusif des facultés naturelles ; puis pratiques théurgiques et pratiques religieuses de toute espèce avec leurs conséquences psychologiques et physiologiques. III. — Première classe de mystiques : ils cherchent par eux-mêmes le développement de la personnalité et l’union avec la suprême perfection. Ils forment trois groupes dans lesquels on constate parfois des bizarreries et des singularités, des troubles cérébraux, concomitants et non causes. Seconde classe de mystiques : ils font appel à Dieu pour réaliser en eux une personnalité plus haute et pour s’unir à Dieu ; ils usent de pratiques qui ont parfois des conséquences physiologiques et morbides. IV. — La troisième classe des mystiques comprend ceux qui ne songent plus au perfectionnement individuel, ceux dont la misère physiologique est aussi grande que la misère psychologique. En tout temps, les mystiques de la première classe sont rares, ceux de la troisième sont les plus fréquents. Le nombre des uns et des autres est plus considérable dans les périodes théologiques.
I

Nos langues se servent d’un seul mot pour désigner des êtres dont les différences sont telles, qu’à la réflexion on se demande pourquoi on l’applique à tous. Marc-Aurèle, Charlemagne, saint Vincent de Paul, Pasteur sont des hommes. Le sauvage le plus borné d’intelligence et de moralité, le malade de la Salpêtrière, le criminel en qui n’a jamais apparu la notion morale la plus simple, l’idiot ou le fou inférieurs à bon nombre d’animaux sont aussi des hommes. Raphaël, Rubens et Murillo ont fait de la peinture, et nous appelons peintre l’homme qui tapisse nos appartements ou met de la couleur sur nos portes et nos fenêtres. De sorte qu’on donnerait en partie l’histoire de nos civilisations, si l’on exposait, en suivant