Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/101

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Rien n’est plus commun que d’entendre parler des avantages que possède la terre sur toute autre source de production utile, et cela, en

    ne paie aucun profit en raison du droit de propriété. Qui ne voit que, dans ce cas, les fermiers se substitueraient aux propriétaires, et empocheraient leurs profits ? La terre est un atelier chimique admirable où se combinent et s’élaborent une foule de matériaux et d’éléments qui en sortent sous la forme de froment, de fruits propres à notre subsistance, de lin dont nous tissons nos vêtements, d’arbres dont nous construisons nos demeures et nos navires. La nature a fait présent gratuitement à l’homme de ce vaste atelier, divisé en une foule de compartiments propres à diverses productions ; mais certains hommes entre tous s’en sont emparés, et ont dit : À moi ce compartiment, à moi cet autre ; ce qui en sortira sera ma propriété exclusive. Et, chose étonnante ! ce privilège usurpé, loin d’avoir été funeste à la communauté, s’est trouvé lui être avantageux. Si le propriétaire d’une terre n’était pas assuré de jouir de ses fruits, qui voudrait faire les avances de travail et d’argent nécessaires pour sa culture ? Les non-propriétaires eux-mêmes, qui maintenant du moins peuvent être passablement vêtus et se procurer leur subsistance avec le produit de leur travail, seraient réduits, comme cela se pratique dans la Nouvelle-Zélande, ou bien à Nootka-Sound, à se disputer perpétuellement quelques pièces de poisson ou de gibier, à se faire, tout nus, une guerre éternelle, et à se manger les uns les autres, faute d’un aliment plus honnête.

    C’est ainsi qu’un fonds de terre a pu fournir une quantité décuple, centuple, de produits utiles à l’homme. La valeur de ces produits une fois créée a formé le revenu, 1o du propriétaire foncier ; 2o du capitaliste qui a fourni les avances (soit qu’il se trouve être le propriétaire lui-même ou bien le fermier) ; 3o des cultivateurs, maîtres et ouvriers dont les travaux ont fertilisé le sol. — Qui a payé cette valeur dont s’est formé le revenu de tous ces gens-là ? — L’acheteur, le consommateur des produits du sol. — Et je dis que le produit dû sol a payé tout cela ; car s’il avait été insuffisant, une partie de ces moyens-de production, ne recevant point d’indemnité pour son concours, se serait retirée de la production ; que le propriétaire lui-même n’aurait plus voulu louer son atelier (le terrain), puisque cette location ne lui aurait rien rapporté. Dès lors plus de garantie, plus de certitude de recueillir les produits ; le terrain serait resté en friche, et la quantité offerte des produits territoriaux devenant moins grande, serait remontée au taux nécessaire pour que le propriétaire fût payé. (Il est entendu que cet effet aurait eu lieu, toutes choses d’ailleurs égales, et dans un état donné de la société.)

    Je conviens que ce profit du propriétaire foncier supporte, plus que les profits du capital et de l’industrie, les inconvénients du local ; car une certaine portion du capital et les travaux ne sont pas aussi immobiles que la terre ; ils peuvent petit à petit changer d’objets, tandis que le fonds de terre ne pouvant ni se transporter dans un lieu où ses produits auraient plus de valeur, ni donner d’autres produits que ceux auxquels la nature l’a rendu propre, n’a pu composer ses profits que de la valeur qui, dans ses produits, excède les profits du cultivateur qui n’est pas propriétaire.