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NOTICE
SUR LA VIE ET LES ÉCRITS DE DAVID RICARDO.




La vie de Ricardo s’écoula au milieu des secousses les plus violentes qu’aient eu à subir les doctrines économiques, politiques et sociales de l’Europe. Pendant de longues années, en effet, la civilisation moderne ne présenta qu’un bouillonnement confus de principes, d’hommes, d’idées, d’espérances, — symptômes du travail réformateur qui l’agitait dans ses entrailles mêmes ; et il semble que les événements se fussent chargés de rédiger pour les penseurs un ordre du jour inexorable où toutes les questions furent posées, non pas avec la courtoisie des programmes académiques, mais avec la brutale sécheresse de la nécessité.

Les disettes répétées, qui ouvrirent pour l’Angleterre le dix-neuvième siècle ; les taxes écrasantes qui servirent de rançon pour la gloire des champs de bataille, les oscillations terribles imprimées par les vicissitudes de la politique et de la diplomatie, au crédit, à la production, aux salaires, aux échanges, firent intervenir les économistes ; et il n’y a qu’à jeter un coup d’œil fugitif sur cet ensemble de problèmes, pour voir qu’à aucune époque le rôle de l’économie publique ne fut plus grave, plus essentiel. Dépouillant sa majesté abstraite, la science dut s’animer au contact de cette vie fiévreuse et déserter les bibliothèques pour s’épancher en pamphlets virulents, en prédications brûlantes sur tous les esprits. Elle pénétra partout, parce qu’en effet elle avait à donner, ou tout au moins à chercher le mot de la situation, la formule réparatrice. Être économiste, si peu que ce fût, devint donc alors, comme de nos jour, une nécessité logique à laquelle les grandes intelligences obéirent scrupuleusement.

David Ricardo est un de ces hommes qui vont droit au Sphinx pour lui arracher son énigme ; qui prennent au sérieux les crises des sociétés, et ses écrits nous le représentent comme un homme bien décidé à s’appuyer sur des réalités et à ne pas s’élancer, dans les régions de l’idéal à la poursuite de quelque hypothèse plus ou moins ingénieuse. Il fait bon marché de tout cet art qui consiste à disposer symétriquement des syllogismes, à jongler avec des prémisses et des conséquences : il veut un triomphe réel au bout de chaque triomphe de logique, et si sa phrase marche