Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/171

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l’affluence des métaux précieux ; mais cette prohibition ne saurait empêcher le change d’être très-défavorable au pays qui l’aurait faite. Si l’Angleterre était le pays de fabriques, et s’il était possible d’empêcher qu’elle ne reçût de numéraire du dehors, son change avec la France, la Hollande et l’Espagne pourrait être de 5, de 10 ou de 20 %, contre tous ces pays.

Toutes les fois que la circulation normale du numéraire est arrêtée par des moyens violents, et que l’argent ne peut trouver son vrai niveau, il n’y a plus de bornes aux variations du cours du change ; et il en résulte des effets semblables à ceux qui ont lieu lorsqu’on donne un cours forcé un papier-monnaie qui n’est point échangeable contre des espèces au gré du porteur. Un pareil papier-monnaie ne pouvant avoir cours que dans le pays où l’émission en est faite, il ne saurait se répandre au dehors. Le niveau de la circulation est détruit, et le change doit inévitablement devenir contraire au pays où cet agent de la circulation se trouve en quantité excessive. La même chose arrivera si, l’agent de la circulation étant métallique, il était possible, par des moyens violents, par des lois qu’on ne pût point éluder, de retenir l’argent dans un pays pendant que le cours du commerce lui donnerait une impulsion vers d’autres.

Quand chaque pays possède précisément la quantité de numéraire qu’il doit avoir, le change doit se trouver au pair, quoique l’argent n’ait pas, à la vérité, une même valeur dans tous les pays, et qu’il puisse même exister dans cette valeur une différence de 5, de 10, et même de 20 pour 100, par rapport à plusieurs denrées. Avec 100 l. st., ou l’argent contenu dans 100 l., on achète une lettre de change de 100 l. qui donne une quantité pareille d’argent en France, en Espagne ou en Hollande[1].

  1. Sauf pourtant les frais d’assurance et de commerce nécessaires pour faire passer des métaux précieux d’un pays dans l’autre. Je peux consentir à recevoir quatre-vingt-dix-huit onces d’argent à Paris contre une lettre de change valant cent onces d’argent payable à Londres ; car si je faisais venir en nature les cent onces d’argent qu’on me doit à Londres, il se pourrait qu’elles fussent réduites, par les frais, à quatre-vingt-dix-huit onces. Mais quand il n’y a pas de prohibition, ces frais se réduisent à peu de chose pour l’or et pour l’argent, et même quand il y a des prohibitions, il n’en est pas qu’on élude plus facilement.

    Quant aux marchandises encombrantes, elles peuvent, même avec la liberté de commerce, différer beaucoup dans leur valeur en argent d’un pays à l’autre, parce que les frais de transport sont proportionnellement plus considérables