Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/172

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Quand il est question du change et de la valeur comparative de l’argent entre deux pays, il ne faut nullement considérer la valeur relative du numéraire, estimée en denrées. Jamais le taux du change ne peut être déterminé en comparant la valeur de l’argent avec celle du blé, du drap, ou de tout autre produit. L’échange n’est que la valeur de la monnaie d’un pays comparée à la valeur de la monnaie d’un autre pays.

On peut encore connaître le taux du change entre deux pays en comparant la valeur de leur monnaie avec une mesure fixe, et commune aux deux pays. Si, par exemple, avec une traite de 100 l. st. sur l’Angleterre on peut acheter en France ou en Espagne une quantité de marchandise égale à celle qu’on achèterait avec une traite de pareille somme sur Hambourg, c’est une preuve que le change entre l’Angleterre et Hambourg est au pair ; mais si avec une traite de 130 l. sur l’Angleterre on n’achète pas plus qu’avec une de 100 l. sur Hambourg, le change sera de 30 pour 100 contre l’Angleterre.

Moyennant 100 l. on peut acheter en Angleterre une lettre de change ou le droit de recevoir 101 l. en Hollande, 102 l. en France, et 105 l. en Espagne. On dit dans ce cas que le change est de 1 pour 100 contre la Hollande, de 2 contre la France, et de 5 contre l’Espagne. Cela annonce qu’il y a proportionnellement plus de numéraire dans ce pays qu’il ne devrait y en avoir, et la valeur comparative du numéraire de chaque pays sera bientôt ramenée au pair si l’on retire l’argent qui est en excès dans les autres pays, et si on le fait passer en Angleterre.

Ceux qui ont soutenu que la monnaie anglaise était dépréciée pendant les dernières dix années, quand le cours du change variait de 20 à 30 pour 100 contre ce pays, n’ont jamais prétendu, comme on les en a accusés, que la monnaie ne pût pas être d’une plus grande valeur dans un pays que dans un autre, comparée aux diverses marchandises. Ils ont seulement soutenu qu’il était impossible d’expliquer, sans admettre cette dépréciation, comment l’Angleterre pouvait

    pour ces marchandises que pour les métaux précieux. Les différents degrés de difficultés qu’il y a à transporter les marchandises d’un pays dans un autre, soit que la difficulté naisse de la nature des choses ou des lois, sont la seule raison qui établisse une grande différence de prix en argent pour, ces marchandises dans les deux pays. — J.-B. Say.