Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/189

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fits, et les capitaux iraient chercher un emploi plus avantageux[1].

Pour ce qui regarde donc l’impôt sur les produits agricoles, qui est l’objet en question, il me parait qu’entre la hausse du prix de ces produits et celle des salaires, il ne saurait y avoir un intervalle pendant lequel le travailleur se trouve en détresse ; et je pense par conséquent que la classe ouvrière ne souffrirait pas plus de cet impôt que de tout autre ; la seule chose à craindre serait que l’impôt n’entamât les fonds destinés à l’entretien des ouvriers, ce qui pourrait suspendre ou diminuer la demande de bras.

Quant à la troisième objection contre les impôts sur les produits agricoles, objection fondée sur ce que la hausse des salaires et la diminution des profits s’opposent a l’accumulation du capital, comme le ferait un sol ingrat, j’ai déjà essayé de prouver, dans une autre partie de cet ouvrage, que les économies peuvent tout aussi bien se faire sur la dépense que sur la production, et par une baisse dans la valeur des denrées aussi bien que par une hausse dans le taux des profits. En élevant mes profits de 1,000 l. à 1,200 l., pendant que les prix restent les mêmes, j’ai le moyen d’augmenter mon capital par des épargnes ; mais je l’augmenterais bien mieux si mes profits restant les mêmes que par le passé, le prix des denrées baissait au point qu’il me suffit de 800 l. pour payer ce qui me coûtait auparavant 1,000.

L’impôt, sous quelque forme qu’il soit assis, n’offre le choix qu’entre plusieurs maux. S’il ne porte pas sur les profits, il frappe

  1. Peut-être M. Ricardo ne tient-il pas assez de compte de la difficulté que les capitaux ont, dans beaucoup de cas, pour changer d’emploi. Un très-grand nombre d’entrepreneurs d’industrie (et par cette expression j’entends ceux qui emploient soit dans l’agriculture, soit dans les manufactures, soit dans le commerce, des capitaux qui appartiennent soit à eux-mêmes, soit aux autres) ; un grand nombre d’entrepreneurs d’industrie sont obligés de faire marcher leurs capitaux avec eux, c’est-à-dire de les laisser dans l’emploi où ils restent eux-mêmes. L’agriculture d’un canton a beau devenir moins avantageuse à ceux qui l’exercent que ne le serait toute autre profession, ils n’en restent pas moins agriculteurs, parce que telles sont leurs habitudes, tels sont leur expérience et leurs talents. On en peut dire autant d’un manufacturier. Or, si cet homme reste manufacturier ou cultivateur, il laisse dans son genre d’industrie les capitaux qui marchent nécessairement avec lui, c’est-à-dire ceux qui lui appartiennent, et même les capitaux d’emprunt. Relativement à ceux-ci, il en paie bien toujours l’intérêt, mais il n’y fait point de profit par delà les intérêts ; il peut, même en tirer moins de profit qu’il n’en paie d’intérêts, sans cependant interrompre durant de nombreuses années une entreprise qui, à capital égal, à mérite égal dans son entrepreneur, rapporte moins que beaucoup d’autres entreprises. — J.-B. Say.