Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/241

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ne peut avoir d’autre effet que de les faire monter de quelque chose plus haut que l’impôt. »

M. Buchanan fait deux objections contre cette proposition telle qu’elle est énoncée par le docteur Smith. En premier lieu, il nie que les salaires en argent soient réglés par le prix des denrées[1] ; et en second lieu, il nie encore qu’un impôt sur les salaires du travail puisse les faire monter de prix. Voici, sur le premier point, l’argument qu’emploie M. Buchanan, page 59.

« Les salaires du travail, ainsi que je l’ai déjà fait voir, ne consistent point dans l’argent, mais dans ce qu’on peut acheter avec cet argent, c’est-à-dire, dans les denrées et autres objets nécessaires ; et la part qui sera accordée au travailleur sur le fonds commun, sera toujours proportionnée à l’offre. Là où les subsistances sont à bas prix et abondantes, son lot sera plus fort ; et là où elles sont rares et chères, sa part le sera moins. Son salaire sera toujours exactement ce qui doit lui revenir, et jamais au delà. Le docteur Smith, et la plupart des autres auteurs, ont, il est vrai, prétendu que le prix en argent du travail était réglé par le prix en argent des subsistances, et que toutes les fois que les vivres montent, les salaires haussent dans la même proportion. Il est cependant clair que le prix du travail n’a point de rapport nécessaire avec le prix des subsistances, puisqu’il dépend entièrement de l’offre du travail industriel comparée avec la demande. D’ailleurs, il faut faire attention que le haut prix des subsistances est un indice certain de la diminution de l’approvisionnement, et a lieu dans le cours ordinaire des choses, afin d’en retarder la consommation. Une moindre quantité de vivres partagée entre le même nombre de consommateurs, en laissera évidemment à chacun une moindre portion, et le travailleur sera forcé de supporter sa part de privation dans la disette. Pour que ce fardeau soit distribué également, et pour empêcher que le travailleur ne consomme autant de subsistances qu’auparavant, le prix monte. On prétend que les salaires doivent monter en même temps pour mettre le travailleur en état de se procurer la même quantité d’une denrée devenue plus rare. Mais si cela était ainsi, la nature contrarierait elle-même ses pro-

  1. Dans la note de la page 129, nous avons fait voir ce qu’il y a de vrai et ce qu’on peut aussi découvrir d’erroné dans cette proposition du savant et profond commentateur de Smith. A. F.