Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/249

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prix à proportion de l’impôt, si la demande en diminue sans que la quantité puisse en être réduite. Si la monnaie métallique était en usage généralement, sa valeur ne monterait pas longtemps, par l’effet de l’impôt, à proportion du montant de cet impôt ; car, dès qu’elle aurait une plus forte valeur, la demande en diminuerait sans que sa quantité diminuât. Et la même cause influe sans doute souvent sur les salaires du travail ; le nombre des travailleurs ne peut être augmenté ou diminué aussi rapidement que les fonds ; mais, dans le cas supposé, il n’y a pas de diminution nécessaire de la demande de bras ; et quand même cette diminution existerait, elle ne serait pas en proportion de l’impôt établi[1].

  1. L’effet de l’impôt est nécessairement très-compliqué, parce que les différentes classes sur lesquelles il porte ou qui en font l’avance sont placées dans une foule de situations variées, plus ou moins avantageuses ou désavantageuses pour en rejeter le fardeau sur d’autres classes. Vouloir décider de l’effet de l’impôt par des principes trop absolus, et sans tenir compte de la multitude de circonstances qui modifient son effet, c’est vouloir, selon moi, arriver à des résultats fort différents de ceux que nous présente l’observation.

    Que l’on mette un impôt sur la fabrication ou les fabricateurs de chapeaux ; que ce soit une patente ou bien une estampille, ou bien un droit sur la matière première, ou le local, ou les ouvriers chapeliers, peu importe ; que ce droit s’élève à 2 fr., je suppose, pour chaque chapeau de 20 fr., qu’arrivera-t-il ? les chapeaux se paieront-ils 22 fr. ? Non ; il faudrait pour cela que la demande restât la même, ce qui n’est pas possible. Les chapeaux se paieront-ils 20 fr. comme auparavant ? probablement non ; il faudrait que les producteurs payassent en totalité l’impôt sur leurs gains ; or cette circonstance, rendant cette production moins avantageuse, diminuerait la quantité offerte des moyens de production des chapeaux. Pour qu’elle se balance avec la nouvelle quantité qui sera demandée, il faudra peut-être payer non pas 18 fr., mais 19 fr. la totalité des services productifs propres à faire un chapeau ; et l’impôt de 2 fr. payé, il se trouvera que le consommateur aura payé 21 fr. un chapeau de la qualité de ceux qu’il payait 20 fr., et que les producteurs auront vendu 19 fr. cette même qualité dont ils obtenaient 20 fr. avant l’impôt que nous avons supposé s’élever à 2 fr.

    L’impôt aura porté en partie sur les producteurs, entrepreneurs et ouvriers, mais dans des proportions fort diverses ; en raison de la diminution de leurs gains, et en partie sur les consommateurs, à cause de l’augmentation du prix, et la production de cet article, comme sa consommation, auront diminué. Avec quelques variations dépendantes de circonstances diverses, c’est à peu près là l’effet de toute espèce d’impôt ; et cet effet, résultat de la nature des choses et du raisonnement qui l’explique suffisamment, ébranle, je le dis avec chagrin, l’édifice que M. Ricardo, non-seulement dans ce chapitre, mais dans quelques autres, élève avec beaucoup d’habileté sur des principes trop absolus.

    M. Ricardo dira peut-être à l’appui de sa doctrine qu’il faut bien que la quan-