Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/257

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rés ; car cet effet ne pourrait être que temporaire, et n’entraînerait pour nous aucun désavantage dans notre commerce étranger. Si une cause quelconque faisait monter le prix de quelques marchandises manufacturées, elle en entraverait ou en empêcherait l’exportation. Mais si cette même cause avait un effet général sur toutes les marchandises, son effet ne serait que nominal ; il n’affecterait pas leur valeur relative, et ne diminuerait en rien l’appât que présente le commerce d’échange. Or, tout commerce extérieur et intérieur n’est réellement autre chose qu’un commerce d’échange[1].

J’ai déjà essayé de prouver que, lorsqu’une cause quelconque fait renchérir toutes les denrées en général, ses effets sont presque pareils à ceux qu’occasionne une baisse dans la valeur de la monnaie. Si la monnaie baisse de valeur, toutes les denrées haussent de prix ; et si cet effet se borne à un seul pays, il modifie son commerce étranger de la même manière que le ferait un renchérissement de denrées occasionné par des impôts. Par conséquent, examiner les effets de la dépréciation de la monnaie d’un seul pays, c’est examiner les effets d’un renchérissement des denrées borné à un seul pays. Adam Smith, en effet, était bien persuadé de la parité de ces deux cas ; c’est pourquoi il soutient que la dépréciation du numéraire, ou, comme il le dit, de l’argent en Espagne, par suite de la défense de l’exporter, est très-nuisible aux manufactures et au commerce étranger de l’Espagne.

« Mais cette dégradation de la valeur de l’argent, qui, étant le résultat ou de la situation particulière d’un pays ou de ses institutions politiques, n’a lieu que pour ce pays seulement, entraîne des conséquences tout autres ; et bien loin qu’elle tende à rendre

  1. Même dans le commerce d’échange et sans faire usage de monnaie, une marchandise peut être chère ou à bon marché. Elle est chère lorsqu’elle est le résultat de beaucoup de frais de production, du service de beaucoup de capitaux ou d’industrie, ou, ce qui revient au même, lorsque beaucoup de capitaux ou d’industrie n’ont donné que peu de marchandise. Lorsque cette marchandise va dans l’étranger, on n’en peut donner que peu en échange de quoi que ce soit ; par conséquent elle ne trouve pas à s’y échanger facilement. C’est ce qu’on appelle ne pas soutenir la concurrence avec les marchandises produites dans ce pays étranger, lesquelles pouvant s’offrir en plus grande abondance dans les échanges, obtiennent la préférence.

    C’est une preuve de plus qu’il y a autre chose que des variations relatives dans les prix, comme toute la doctrine de M. Ricardo semble l’établira — J.-B. Say.