Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/296

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L’agriculture même n’est pas à l’abri de ces accidents, quoique à un moindre degré. La guerre, qui interrompt les relations d’un pays commercial avec les autres États, empêche souvent l’exportation du blé, des pays où il peut être produit à peu de frais, dans d’autres pays qui, sous ce rapport, sont moins favorisés de la nature. Dans de pareilles circonstances, une quantité extraordinaire de capital est dirigée vers l’agriculture dans le pays qui importait auparavant du blé, et qui devient par là indépendant des secours de l’étranger. À la fin de la guerre, les obstacles à l’importation cessent, et une concurrence funeste au producteur national commence ; il ne peut s’y soustraire sans faire le sacrifice d’une partie de son capital. Le meilleur expédient pour un État, serait de mettre un impôt dont la valeur décroîtrait de temps en temps, sur l’importation des blés étrangers, pendant un nombre limité d’années, afin d’offrir au cultivateur national l’opportunité de retirer graduellement son capital de l’agriculture[1]. En adoptant une pareille mesure, le pays pourrait ne pas faire de son capital, la distribution la plus avantageuse, mais l’impôt temporaire auquel il se trouverait assujetti serait avantageux à une classe particulière de la société, à celle dont le capital aurait été consacré à faire croître les subsistances nécessaires au pays pendant la

  1. On trouve dans le dernier volume dû Supplément à l’Encyclopédie britannique, à l’article : Du commerce et de la législation des céréales, les excellentes observations qui suivent : « Si à une époque future nous devons revenir sur nos pas, il faudra, pour favoriser le passage des capitaux des terrains pauvres à des industries plus lucratives, agir au moyen d’une échelle décroissante de droits. Ainsi on pourrait abaisser annuellement de 4 à 5 sch. par quarter, le droit de 80 sch., qui est actuellement la limite où commence la libre importation des céréales. Arrivé à 50 sch., on ouvrirait les ports en sécurité, et le système restrictif pourrait être à jamais aboli. Quand ce salutaire événement aura été accompli, il ne sera plus nécessaire d’entrer, par voie de législation, en lutte avec la nature. Le capital et le travail du pays se dirigent sur les branches d’industrie qui répondent le mieux à notre situation géographique, à notre caractère national, ou à nos institutions politiques. Le blé de la Pologne, les cotons de la Caroline s’échangeront contre les produits de Birmingham et les mousselines de Glascow. Le véritable génie du commerce, celui qui assure à jamais la prospérité d’un pays, est complétement incompatible avec les allures clandestines et timides du monopole. Les peuples de la terre étant comme les différentes provinces du même royaume, doivent retirer de la liberté illimitée des échanges d’immenses avantages locaux et généraux. »

    Tout cet article de l’Encyclopédie britannique mérite une attention sérieuse : bien écrit, savamment pensé, il dénote chez l’auteur une connaissance profonde du sujet. (Note de l’Auteur.)