Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/310

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dans la reproduction ; car la richesse tient toujours à la quantité des produits, sans égard pour la facilité avec laquelle on peut s’être procuré les instruments qui servent à la production. Une certaine quantité de vêtements et de vivres suffira aux besoins et à l’entretien d’un même nombre d’hommes, et fera faire la même quantité d’ouvrage, que ces objets soient le fruit du travail de cent hommes ou de deux cents ; — mais ces vêtements et ces subsistances auront double valeur si les deux cents hommes ont été employés à les produire.

Malgré les modifications qu’il a introduites dans la quatrième et dernière édition de son Traité d’Économie politique, M. Say me paraît avoir été très-malheureux dans sa définition de la valeur et des richesses. Il considère ces deux termes comme synonymes et déclare que tout homme est riche en proportion de l’accroissement de valeur que reçoivent ses propriétés et de l’abondance des marchandises qu’il peut acheter. « La valeur des revenus s’accroît, dit-il, dès que, par des causes quelconques, ils peuvent nous donner une plus grande quantité de produits. » D’après M. Say, si donc la difficulté de produire du drap venait à doubler, et si, par conséquent, le drap s’échangeait contre une quantité de marchandises deux fois plus grande, il doublerait de valeur : cela est incontestable. Mais dans le cas où la production de ces marchandises se trouverait facilitée sans que celle du drap devînt plus coûteuse, et où, par conséquent, le drap s’échangerait encore contre une quantité de marchandises double, M. Say soutiendrait encore que la valeur du drap a doublé ; tandis que, d’après mes propres vues sur la matière, il devrait dire que le drap a conservé sa valeur première, et que ces marchandises ont baissé de moitié. M. Say ne manque-t-il pas de logique lorsqu’il dit que les progrès de la production peuvent faire qu’on crée, avec les mêmes procédés, deux sacs de blé au lieu d’un, que la valeur de ces sacs baisse conséquemment de moitié, et que, néanmoins, le drapier, qui échange ses étoffes contre deux sacs de blé, obtiendra une valeur double de celle qu’il recevait, alors qu’il recevait un seul sac de blé pour son drap. Si deux sacs ont maintenant la valeur qu’un seul sac avait précédemment, il recevra exactement la même valeur, et rien de plus : il obtient, sans doute, une somme de richesse et d’utilité double, il reçoit deux fois plus de ce qu’Adam Smith appelle valeur en usage, mais non de ce qu’on entend par valeur en échange, ou valeur proprement dite. C’est pourquoi M. Say a tort quand il considère comme synonymes les termes de valeur, d’utilité ;