Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/316

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ajoutent à notre richesse en augmentant la valeur d’utilité ; mais, comme ils travaillent gratuitement, comme on ne paie rien pour l’usage de l’air, de la chaleur du soleil, ni de l’eau, les secours qu’ils nous prêtent n’ajoutent rien à la valeur échangeable[1].

  1. M. Ricardo, en rapprochant divers passages pris en plusieurs endroits de mes ouvrages, sans pouvoir citer les développements que j’y donne, ni les restrictions que j’y mets, y trouve de l’obscurité et des contradictions. Il peut être fondé ; mais a-t-il éclairci cette obscurité ? a-t-il levé ces contradictions ?

    Si l’on prend le mot richesses dans sa signification la plus étendue, les richesses de l’homme sont tous les biens qui, étant à sa disposition, peuvent, de quelque manière que ce soit, satisfaire ses besoins, ou seulement ses goûts. Dans ce sens, l’air que nous respirons, la lumière du soleil, et même l’attachement de notre famille et de nos amis, sont des richesses. Ce sont des richesses qu’on peut, appeler naturelles.

    Dans un sens plus restreint, et lorsqu’il est question seulement des biens que possèdent un homme riche, une nation riche, on trouve que les richesses sont des choses qui, pouvant satisfaire les besoins et les goûts des hommes en général, n’ont pu devenir leur propriété qu’au moyen de quelques difficultés qu’ils ont vaincues ; d’où il est résulte pour ces choses une valeur, c’est-à-dire la qualité de ne pouvoir être acquises qu’au moyen d’un sacrifice égal à celui qu’elles ont coûté. Si je consens à donner un boisseau de froment pour obtenir deux livres de café ; c’est parce que j’estime que la satisfaction que je me promets de deux livres de café vaut les difficultés qu’il m’a fallu vaincre pour créer un boisseau de froment. Si le propriétaire des deux livres de café pense de même relativement au boisseau de froment, je dis que la valeur échangeable du boisseau de froment est deux livres de café, et réciproquement ; et si l’une ou l’autre de ces choses trouve à s’échanger contre une pièce de 5 francs, je dis que l’une ou l’autre sont une portion de richesses égale à 5 francs ; qu’elles le sont par leur valeur échangeable, et en proportion dé cette valeur échangeable, Valeur échangeable et richesse sont donc synonymes.

    Or, cette richesse ainsi entendue, et qu’on pourrait nommer sociale, en ce qu’elle ne peut exister que parmi les hommes en société, est celle qui fait l’objet des recherches de l’Économie politique*, parce que seule elle est susceptible de s’accroître, de se distribuer et de se détruire.

    Maintenant la grande difficulté est de faire concorder les lois de la richesse sociale, ou de l’Économie politique, avec celles de la richesse naturelle. Lorsqu’un produit se multiplie par le meilleur emploi que nous faisons de nos terres, de nos capitaux, et de notre industrie, il y a plus d’utilité (soit de richesse naturelle) produite, et en même temps la production de la richesse sociale semble être moindre, puisque la valeur échangeable du produit diminue. La richesse sociale ne suit donc pas la même marche que la richesse naturelle : de là les difficultés où se sont perdus Lauderdale et bien d’autres, et les contradictions apparentes que M. Ricardo me reproche.

*. Ce qui montre, pour le dire en passant, que l’Économie politique est une science bien nommée, puisque ce mot, d’après son étymologie, peut être traduit par cette expression : Lois relatives aux richesses sociales.