Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans des limites suffisantes, sa valeur peut être maintenue au pair avec celle de l’or et même élevée plus haut.

Or, s’il était possible d’imaginer un système qui maintînt la valeur du papier au niveau de l’or, sans le rendre conversible en monnaie courante à la volonté du porteur, on éviterait tous les frais qui accompagnent l’argent monnayé. Pour atteindre ce but, Ricardo propose de faire échanger les billets de banque contre des barres d’or en lingots de poids et de pureté étalonnés. Cette simple mesure prévenait une trop grande émission de papier comme on l’aurait fait en le rendant conversible en espèces métalliques, tandis qu’il empêchait de mettre l’or en circulation, les barres d’or n’ayant pas cours. Une monnaie qui présente tous les avantages et toutes les garanties d’une monnaie d’or, sans en comprendre les frais, c’est à coup sûr une invention peu commune, et Ricardo a droit à la reconnaissance publique[1]. »

La phase la plus importante du talent et de la vie de Ricardo, se trouve nettement esquissée dans les pages qui précèdent, et nous aimons à insister sur cette belle série de travaux, parce que là sont pour nous les titres qui le recommandent le plus hautement à l’admiration des économistes. Il est étrange même que l’on se soit assez mépris sur le mérite relatif des œuvres de Ricardo, pour faire reposer sa gloire tout entière sur la théorie de la rente : — celle de toutes ses œuvres qui porte au moindre degré l’empreinte de son originalité puissante. En déterminant les bases du contrat qui lie le propriétaire au fermier et au consommateur, en exposant les lois suivant lesquelles une population s’épanche sur un territoire nouveau, il avait à méditer sur les essais de ses prédécesseurs, à se les assimiler, et peut-être n’a-t-il guère été que l’éditeur responsable de Malthus, de West, d’Anderson. Mais dans les problèmes qui se rattachent à la circulation, il est réellement sur son terrain. On voit qu’il a entre les mains l’arme qu’il a toujours maniée. On sent que les considérations qu’il émet sur le haut prix des lingots, sur la dépréciation des billets de banque, sur l’organisation d’une institution centrale, sont comme l’essence d’une pratique intelligente et on se laisse entraîner sans défiance vers le but que rêve sa pensée.

Là, point de formules décevantes, point d’utopies naïvement dessinées sur le papier ; point d’excursions dans le champ infini de l’hypothèse : partout le fait supportant l’idée, comme le socle supporte la statue. Prétend-on que la dépréciation n’existe pas ? Il fait appel aux cours du change, aux exportations de numéraire, au renchérissement des denrées, qui de 1793 à 1803 suit une progression constamment ascendante. S’agit-il de porter la lumière dans l’administration si ombrageuse, si compliquée de la Banque ? Il n’hésite pas : il analyse les ressources les plus secrètes de ce gigantes-

  1. Notice sur Ricardo, traduite par Constancio.