Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/33

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que établissement ; il fait voir la progression ascendante de ses bénéfices aux époques les plus calamiteuses ; il pèse avec la minutie du lapidaire les avantages que la Banque reçoit du patronage national, les avantages qu’elle lui restitue ; il introduit le lecteur au sein des réunions générales de cette association ; il en démonte à ses yeux tous les rouages, et il conclut hardiment à la destruction d’un monopole qui s’est perpétué cependant jusqu’à nos jours, recrépi, rajeuni par la forte main de sir Robert Peel. Et lui, si fataliste dans les questions de salaires et d’impôts, il ne s’arrête pas seulement à prouver comme quoi il est urgent de sortir d’une situation qui fait tomber la monnaie de papier à 30% au-dessous de la valeur de l’or, il rêve un remaniement complet de tout le système, et, critique sévère dans ses premiers pamphlets, il devient créateur plein de hardiesse et de raison dans le « Plan pour l’établissement d’une Banque nationale » et dans les « Propositions pour l’emploi d’une circulation économique et sûre. »

C’est ce double caractère de ses écrits qui séduisit tant d’esprits et plaça si haut dans l’opinion publique l’humble courtier de 1801. On suivit la pensée de Ricardo comme on suit une espérance, une promesse. Son dernier mot sur le crédit public fut accueilli avec un enthousiasme qui témoigne de l’autorité qu’avait acquise son talent. On peut même dire qu’il n’a peut-être été donné à aucun écrivain de voir se réaliser autant de ses conceptions, de voir sa pensée s’incruster aussi promptement dans les faits et dans les lois. Ainsi, c’est au lendemain de sa première brochure, que siégea ce célèbre comité de l’an 1810 ; et c’est en 1819, après une mémorable séance du Parlement, où il fit son maiden-speech, qu’on se décida à appliquer ses idées sur le remboursement en lingots des billets de banque : — succès éphémère, mais significatif. Canning, Huskisson se firent les champions opiniâtres de son système ; le savant Tooke consacra ses idées par des monceaux de faits, et s’il eût vécu quelques jours de plus, il eût pu voir Robert Peel édifier, sur des plans rétrécis, sa Banque nationale, consacrer la division de la Banque en deux bureaux distincts d’émission et d’escompte, comme il l’avait projeté[1] ; enfin il eût pu assister au triomphe naissant de la liberté du travail sous toutes ses formes, et apprendre combien il faut de grands cœurs, de grands talents et d’années pour ouvrir à demi les yeux des nations.

Au fond, que veut Ricardo dans ses belles analyses des changes, du crédit, et dans ce qu’on pourrait appeler son utopie d’une Banque nationale, centralisant toutes les émissions, se ramifiant sur tous les points du territoire et économisant à l’Angleterre, d’après lui, une somme annuelle de 750,000 liv. st. (20,000,000 fr.) ?

Il avise à donner à la circulation des bases solides, tout en lui laissant la souplesse, l’élasticité que réclament les circonstances. Il n’impose pas à la

  1. Plan d’une Banque nationale.