Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/355

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Mais quelle preuve en donne-t-il ? Aucune, si ce n’est l’assertion, que « les marais les plus déserts d’Écosse et de Norvège forment une espèce de pâturage pour des bestiaux qui, avec leur lait et l’accroissement du troupeau, suffisent toujours, non-seulement à faire subsister tous les gens que leur garde et entretien exigent, mais encore à payer au fermier ou maître du troupeau les profits ordinaires de son capital. » Qu’il me soit permis d’en douter. Je crois qu’il existe dans tout pays, depuis le moins avancé en civilisation jusqu’au plus civilisé, des terres d’une qualité telle qu’elles ne rendent que le produit suffisant pour remplacer le capital qui y est employé, avec les profits qu’on retire ordinairement des capitaux dans chaque pays. Nous savons que cela a lieu en Amérique, et cependant personne ne prétend que le fermage y soit réglé d’après des principes différents de ceux qui sont admis, pour l’Europe. Mais quand il serait vrai que l’Angleterre fût si avancée en civilisation, qu’il n’y restât actuellement plus de terres qui ne payassent de rente, il serait toujours vrai qu’il faut qu’il y ait eu autrefois de pareilles terres. Qu’il y en ait ou qu’il n’y en ait pas, cela ne fait rien à la question, car il suffit qu’on admette qu’il y a des capitaux employés, dans la Grande-Bretagne, sur des terres qui ne rendent que le capital déboursé avec les profits ordinaires, soit que ces terres aient été depuis longtemps cultivées, soient qu’elles ne l’aient été que récemment[1].

Si un fermier consent à passer un bail de sept ou de quatorze ans pour une terre sur laquelle il se propose d’employer un capital de 10,000 l., sachant bien qu’au prix actuel du grain et des produits de la terre, il peut remplacer le capital qu’il est obligé de débourser, payer sa rente, et retirer les profits ordinaires ; ce fermier, dis-je, n’emploiera pas 11000 l., à moins que les dernières 1000 l. ne puissent, par leur pouvoir productif, lui donner les profits ordinaires des capitaux. Pour savoir s’il doit ou ne doit pas employer cette dernière somme, il calculera uniquement si le prix des produits de l’agriculture est suffisant pour le rembourser de ses frais et lui assurer ses profits ; car il sait bien qu’il n’aura pas à payer de rente additionnelle. Sa rente ne sera pas augmentée, même à l’expiration du bail ; car si le propriétaire de la terre exigeait un surcroît de fermage en raison

  1. Or, c’est précisément ce que Smith n’admet pas, puisqu’il dit qu’il n’a vu si mauvais pâturage d’Écosse qui ne rapportât quelque revenu foncier à son propriétaire. — J.-B. Say.