Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/378

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Tant que le gouvernement fait frapper des monnaies sans retenir les frais de monnayage, les pièces de monnaies ont une valeur égale à celle de toute autre pièce de même métal, d’un poids et d’une finesse pareils. Mais si le gouvernement retient un droit de monnayage ou de seigneuriage, la pièce de métal frappée excédera en général la valeur de la pièce non frappée de tout le montant de ce droit, parce qu’elle aura exigé plus de travail, ou, ce qui revient au même, la valeur du produit d’une plus grande quantité de travail pour sa fabrication.

Quand l’État seul bat monnaie, il ne peut pas y avoir de limites à ce droit de monnayage ; car, en restreignant la quantité du numéraire, on peut en élever la valeur indéfiniment.

C’est en vertu de ce principe que circule le papier monnaie. Toute sa valeur peut être regardée comme représentant un seigneuriage. Quoique ce papier n’ait point de valeur intrinsèque, cependant, si l’on en borne la quantité, sa valeur échangeable peut égaler la valeur d’une monnaie métallique de la même dénomination, ou de lingots estimés en espèces[1]. C’est encore par le même principe, c’est-à-dire en bornant la quantité de la monnaie que des pièces d’un bas titre peuvent circuler pour la valeur qu’elles auraient eue si leur poids et leur titre étaient ceux fixés par la loi, et non pour la valeur intrinsèque du métal pur qu’elles contiennent. Voilà pourquoi, dans l’histoire des monnaies anglaises, nous trouvons que notre numéraire n’a jamais été déprécié aussi fortement qu’il a été altéré. La raison en est qu’il n’a jamais été multiplié en proportion de sa dépréciation[2]. Le point capital dans l’émission du papier-monnaie, c’est d’être parfaitement éclairé sur les effets qui résultent du principe de la restriction dans les quantités mises en circulation. On voudra à peine croire dans cinquante ans que les directeurs de la banque et les ministres ont soutenu à la fois devant le Parlement, et devant les Comi-

  1. Cet exemple devrait suffire, ce semble, pour convaincre l’auteur que la base de toute valeur est, non pas la quantité de travail nécessaire pour faire une marchandise, mais le besoin qu’on en a, balancé par sa rareté. Le travail, ou en général les frais de production, sont une difficulté à vaincre qui borne la quantité d’une marchandise qu’on peut apporter sur le marché, et c’est en ce sens qu’ils sont un des éléments de la valeur des choses. Mais quand cette rareté est volontaire, l’effet est le même. — J.-B. Say.
  2. Tout ce que je dis des monnaies d’or est également applicable à celles d’argent, et il serait inutile de les désigner toutes les deux à tout propos. (Note de l’Auteur).