Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/431

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ment. Les rentes peuvent être plus basses dans un pays dont les terres sont entièrement fertiles, que dans un autre où elles ne sont que d’un rapport médiocre ; car la rente est en raison de la fertilité relative plutôt que de la fertilité absolue, en raison de la valeur des produits plutôt que de leur abondance. M. Malthus dit que « la cause qui fait que des choses nécessaires à la vie donnent un produit net, tient plutôt à l’abondance de ces denrées qu’à leur rareté, et diffère essentiellement à la fois de l’élévation des prix occasionnée par des monopoles artificiels et du haut prix de certains produits naturels, autres que les subsistances, et que l’on peut nommer des monopoles naturels et nécessaires. »

N’arrive-t-il donc jamais que la fertilité de la terre et la richesse de ses produits diminuent sans diminuer nécessairement le produit net ou la rente ? Si ce fait n’est pas sans exemple, la proposition de M. Malthus prend donc un caractère trop absolu : car il parait avoir établi avec l’inflexibilité d’un principe, que la rente s’élève ou s’abaisse toujours lorsque s’élève ou s’abaisse la fertilité de la terre.

M. Malthus aurait incontestablement raison, si la part du propriétaire se grossissait proportionnellement à l’abondance croissante des récoltes sur tout domaine : mais c’est dans le contraire précisément qu’il faut aller chercher la vérité. Lorsque les terres d’une fertilité supérieure sont seules livrées à la culture, la part du propriétaire, en quantité et en valeur, est à son minimum ; et c’est seulement lorsque les besoins d’une population croissante ont provoqué le défrichement des sols moins riches, qu’augmente progressivement cette part.

Supposons que les nécessités de la situation fassent demander un million de quarters de blé, et que ce million soit récolté sur la superficie de terrain actuellement cultivée ; supposons encore que la fertilité de ce territoire s’altère au point de ne plus donner que 900,000 quarters : la demande restant toujours d’un million de quarters, le prix du blé s’élèverait, et on devancera ainsi le moment où l’on aurait défriché les terrains inférieurs, si la fertilité de l’ancien sol était restée la même. Mais c’est précisément l’indispensable, l’implacable nécessité du recours à dès terrains moins riches qui crée et élève la rente, et qui l’élève alors même que le blé reçu par le propriétaire se trouve réduit en quantité. La rente, il faut bien se le rappeler, n’est pas en proportion de la fertilité absolue des terres cultivées, mais en proportion de leur fertilité relative. Toute cause qui fait aller le capital sur un sol pauvre accroît la rente sur les qualités supérieures,