Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exportation des coins n’aura de limite que dans la quantité de monnaie restée en circulation. En effet, la nouvelle somme, rendue plus précieuse par sa réduction même, accomplira les paiements nécessaires aussi promptement et aussi rigoureusement que le faisait auparavant une somme plus considérable ? D’après ce principe, une série de mauvaises récoltes pourrait ravir à un pays toute sa monnaie, à quelque chiffre qu’elle s’élevât, et fût-elle même composée exclusivement de métaux précieux. En faisant observer que la diminution de la valeur de la monnaie dans le pays qui importe, et son augmentation croissante dans celui qui exporte, la dirigeraient de nouveau dans son ancien courant, on ne répond pas à l’objection. Quand ce phénomène aura-t-il lieu ? En échange de quoi la monnaie reviendra-t-elle dans nos marchés ? La réponse est claire : — en échange de marchandises. Le résultat définitif de toutes ces importations et exportations de monnaie se résume donc en ce que chaque pays se trouvera avoir importé une marchandise en échange d’une autre, et en ce que le numéraire et les lingots auront partout été ramenés à leur niveau naturel. Peut-on prétendre que ces résultats ne seront pas prévus, que les dépenses et les embarras qui accompagnent ces opérations inutiles ne seront pas évités dans un pays où le capital abonde, où l’économie a été introduite dans les plus petits mouvements du commerce, et où la concurrence semble avoir atteint ses dernières limites. Conçoit-on que des spéculateurs s’appliquent à exporter le numéraire dans le simple but de le rendre cher ici et bon marché ailleurs, et d’assurer ainsi son retour ?

On remarque avec un certain étonnement, que le préjugé qui fait envisager le numéraire et les lingots comme des objets essentiellement distincts, dans leurs allures, de toutes les autres marchandises, est si profondément enraciné, que les écrivains les mieux éclairés sur les vérités générales de l’économie politique s’y sont eux-mêmes abandonnés. En effet, ils manquent rarement, après avoir invité leurs lecteurs à considérer la monnaie et les lingots comme des marchandises ordinaires, soumises « à ce principe universel de l’offre et de la demande, qui est la base sur laquelle s’élève l’édifice entier de l’économie politique, » ils manquent rarement, dis-je, d’oublier eux-mêmes cette recommandation. Ils discutent le sujet de la monnaie et les lois qui en régissent l’importation et l’exportation, d’après des données très-opposées à celles qu’ils appliquent au mouvement des autres marchandises. Ainsi, si les rédacteurs de la Revue avaient eu à parler de café ou de sucre, ils n’auraient pas hésité à