Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/31

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ne les apposent pas seulement sur leurs lettres, mais aussi sur leurs escritures, poëmes, peintures, & beaucoup d'autres choses. En iceux on ne grave autre chose que le nom, surnom, qualité, & dignité de l'autheur. Ilz n'en adjoustent pas un tout seul, ains ilz marquent souvent le commencement & la fin de leurs œuvres de plusieurs, & ne les impriment pas en la cire ou autre semblable chose ; mais les peignent seulement de couleur rouge. De là vient que les principaux ont à table un vaze plein de cachetz, qui ont leurs divers noms engravez (car chasque Chinois est nommé de plusieurs noms) & iceux sont la plus part de quelque matière de prix ; comme bois, marbre, yvoire, airain, cristal, coral, & autres pierres de plus grande estime. Il se trouve aussi plusieurs artisans d'iceux, & cet artifice entre les Chinois n'est pas mechanique, d'autant principalement que les characteres des cachetz sont différent des vulgaires, & ressentent leur antiquité, qui est fort honnorée de toute nation. C'est pourquoy il faut que les artisans soient hommes lettrez.

Il y a encor un autre art dissemblable à cestui-cy, sçavoir de faire l'encre pour toute sorte d'escriture. Ilz le font comme en forme de petits pains, avec la fumée de l'huyle. Et d'autant qu’ilz sont sur toute autre nation fort adonnez à bien peindre leurs characteres ; de là vient qu’un bon escrivain n'est pas seulement estime d'iceux, & par tout honnoré de toute sorte de devoirs, mais encor ceux qui font l'encre pour escrire ne sont pas estimez mechaniques. Ilz se servent d'icelui sur une table de marbre ; & icelle fort déliée, ilz frottent leurs pains à escrire contre icelle avec quelque goutte d'eau, & en teignent la table. En apres ilz prennent l'encre avec un pinceau de poil de lievre duquel ilz se servent pour escrire. On void aussi beaucoup d'artisans de ces tablettes, qui souvent à grand prix subtilient les pierres plus estimées. & leur donnent une belle & elegante forme. Finalement ces trois choses qu’on employé pour escrire sont la plus part excellemment ornées, & sont estimées, d'autant que de leur nature elles sont mises en œuvre pour une chose grave, telle qu’est l’escriture, par des hommes aussi pleins de gravité & majesté.

Il y a encor un autre artifice peu usité des nostres, qui consiste à faire des esventailz pour exciter du vent en Esté, desquelz les personnes de toute qualité, & sexe ont accoustumé se servir. Il n'est permis à aucun de marcher sans esventail, encor qu’en temps froid il semble estre meilleur de chasser les vents que de les attirer ; mais ilz ont plus d'égard à certaine majesté, qu’à la necessité. Ilz se font diversement  : car si vous considerez la matiere, ilz sont fait de rozeau, bois, yvoire, ebene, avec papier, soie, ou aussi de quelque paille de bonne senteur ; si la forme, les