Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/59

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aussi sont recognus entre les Chinois par ces instrumens large estendus propres à faire ombrage & garder du Soleil ; on les appelle en Europe parasolz, desquelz estans couvertz, ils ont accoustumé de marcher en public : car quelques fois ilz en ont de couleur bleue, quelquesfois de jaune ; les uns en ont deux, les autres trois, pour la pompe. Les autres n’en peuvent avoir qu’un. Ilz sont aussi remarquez par l’appareil, avec lequel ilz sortent en public. Car tous les moindres vont à cheval, les plus grands sont, pourmenez sur les espaules des porteurs en une chaize portative  : mais il y a aussi de la Majesté au nombre des porteurs. Car aux uns n’est pas permis en avoir plus de quatre, aux autres est il aussi permis se servir de huict.

Il y a encor beaucoup d’autres ornemens de dignité & marques des Magistratz comme enseignes, chaisnes, encensoirs, plusieurs gardes, par les crieries desquelz le peuple est reculé en la ruë. Et le respect qu’on leur porte est si grand, que personne ne comparoist, mesmes ez rues les plus frequenteez ; ains tous se retirent au bruit de ces cris ; & cela se fait plus Ou moins, selon la dignité des Mandarins.

Devant que d’achever ce chapitre de l’administration de la Republique Chinoise, il me semble qu’il ne sera pas hors de propos de raconter particulierement quelques choses, esquelles les Chinois sont differens des Européens. Et en premier lieu cela peut sembler admirable, encor que ce Royaume ait de tres-amples estendues de limites, & qu’il regorge de nombre d’habitans, & d’abondance de provisions, & de toute matière propre a faire navires, & toutes autres armures & appareil de guerre, avec l’aide desquelz au moins ilz pourroient aisement adjouster les peuples voisins à leur Empire : toutesfois le Roy, ny ses subjetz ne se soucient pas de cela. Et ne leur est seulement jamais venu en pensée : mais se contentans du leur, ilz ne desirent seulement pas celui de l’autrui. En quoy ils me semblent estre fort esloignés de l’humeur des nations d’Europe, que nous voyons souvent estre chassées de leur propre Royaume, cependant qu’ils aspirent aux autres, qui devorent tout par le desir insatiable de regner, & ne sçavent garder ce qu’ils ont receu de leurs Ancestres, ce que les Chinois ont bien peu faire passez tant de siecles.

C’est pourquoy certes je croy estre une vraye invention ce que plusieurs de nos Auteurs escrivent des Chinois, sçavoir qu’au commencement de leur Empire ils ont subjugué, non seulement les Royaumes, voisins, mais encor sont parvenus jusqu’aux Indes. Car encor (comme a laissé par escrit le Pere Matthieu Ricci) que j’ay tres soigneusement fueilleté les Annales de la Chine depuis quatre mil ans jusques au temps present, je ne trouve neantmoins pas seulement