Arrivée à Londres, elle écrivit à Edouard ; il savoit qu’elle y alloit, mais il ignoroit la raison qui l’obligeoit d’avancer le temps où elle devoit s’y rendre. Elle vouloit la lui apprendre ; mais l’embarras qu’elle trouvoit à s’exprimer sur ce sujet, lui fit de jour en jour remettre cette confidence. Ses occupations dans sa retraite, étoient les mêmes qu’au château d’Alderson ; Edouard, toujours présent à sa pensée, remplissoit tous ses momens, et lui faisoit perdre le souvenir des tristes idées où elle s’abandonnoit à Alderson.
L’amour est la seule passion qui suffise entièrement à notre cœur. Maîtresse souveraine de l’ame, elle en bannit insensiblement tout ce qui lui est étranger. On oublie en aimant, s’il existe d’autres objets que celui de son affection ; l’étendue de l’univers semble diminuer à nos yeux, et nous en apercevons seulement l’espace où se renferment nos désirs.
On vantoit beaucoup à Londres un peintre italien, dont le talent pour le portrait étoit extraordinaire. Ladi Sara se fit peindre par lui. Elle est si parfaitement représentée dans ce tableau, que vous-même, Madame, l’avez d’abord reconnue. Elle travailla avec application à le copier en petit, et envoya son ouvrage à Edouard. Elle s’amusa ensuite à écrire un journal des événemens où son cœur l’intéressoit ; elle le commença du premier jour qu’Edouard s’étoit offert à ses yeux ; ses sentimens y furent exprimés avec cette aimable naïveté que donnent une ame tendre et un caractère vrai. Peut-être en composant ce journal, vouloit-elle comparer les temps, rappeler à Edouard, si son ardeur se ralentissoit jamais, combien elle