crioit : « Ma mère, éveillez-vous ! ma mère, éveillez-vous donc » !
Le cœur de la sensible voisine s’émut à ce spectacle : elle s’avança, prit la petite dans ses bras, la caressa, essuya ses larmes. La beauté de l’enfant redoubla son attendrissement. Elle envoya chercher un homme de justice, donna de l’argent pour faire inhumer l’étrangère. Ayant rempli toutes les formalités nécessaires au dessein de se charger de la jeune orpheline, elle la prit par la main et la conduisit chez elle.
Celle dont le bon cœur éclatoit par cet acte d’humanité, se nommait madame Dufresnoi ; veuve d’un marchand peu riche, elle s’étoit arrangée avec la famille de son mari. Contente de 3,000 livres de rentes viagères, elle venoit d’abandonner à des enfants d’un premier lit, des droits assez considérables sur leur succession. Ce procédé généreux lui procura la satisfaction de voir établir convenablement les filles d’un honnête homme dont elle chérissoit la mémoire.
La petite étrangère s’appeloit Ernestine. Elle étoit allemande, et ne paroissoit pas née dans la bassesse. Elle s’exprimoit difficilement en français. À force de l’interroger, on comprit par ses discours, qu’un méchant mari avoit contraint l’infortunée Christine à quitter sa maison et sa patrie, et jamais on n’en apprit d’avantage.
Ernestine pleura sa mère, la demanda souvent dans les premiers jours qui suivirent sa mort. Elle l’oublia, grandit, se forma, devint belle : sa taille svelte et légère, des yeux noirs, pleins de feu, de