dame Duménil étoit gaie, complaisante, et qu’un secret intérêt l’engageoit à se faire aimer d’Ernestine, elle inspira aisément de l’amitié à une fille sensible, qui croyoit tenir d’elle l’aisance dont elle commençoit à jouir.
M. Duménil touchoit à ses derniers momens ; la certitude de sa mort faisoit couler les larmes de sa tendre élève, et souvent le Marquis la trouvoit toute en pleurs. Une vive inquiétude se mêloit à son chagrin : Henriette, partie depuis deux mois pour la Bretagne, cessa tout-à-coup de lui donner de ses nouvelles ; elle lui manquoit dans un temps où ses conseils lui devenoient nécessaires. Ernestine lui écrivit plusieurs fois, et ne reçut aucune réponse. Ce silence l’affligea : son amie était-elle malade ? négligeoit-elle de l’instruire du parti qu’elle devait prendre après la mort de son maître ? Elle en parla à madame Duménil, qui la rassura sur la santé d’Henriette, et la gronda doucement de lui demander des avis dont elle n’avait pas besoin. « Me croyez-vous capable de vous abandonner, lui dit-elle d’un ton affectueux ; songez-vous à me quitter ? Non, ma chère Ernestine, nous ne nous séparerons point ; vous partagerez ma fortune, elle est peut-être assez étendue pour vous rendre heureuse. J’ai des ressources qui vous sont inconnues. Gardez le silence sur ce secret ; cessez de vous alarmer, et ne regrettez plus les avis d’Henriette ; ils ne pourroient que déranger le plan tracé pour votre bonheur ».
Ces discours, souvent répétés, dissipèrent l’inquiétude d’Ernestine ; mais son cœur fut blessé de l’oubli