Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/460

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d’Henriette. En partant elle lui avoit promis de s’intéresser toujours à son sort, de lui procurer un asile, si son frère mouroit. Elle ne pouvoit accorder un procédé si froid avec le caractère d’Henriette : mais l’attachement qu’elle prenoit pour madame Duménil, affoiblit peu à peu ce chagrin, et sans le vouloir, le Marquis aida lui-même à l’en distraire.

Le temps approchoit où M. de Clémengis alloit s’éloigner ; le régiment qu’il commandoit venoit de passer en Italie, il falloit bientôt partir pour s’y rendre. Malgré ses efforts, Ernestine s’aperçut de sa tristesse : rêveur, inquiet, il gardoit un morne silence ; le changement de son humeur la surprit, et ses distractions la fâchèrent. Il passoit le temps de sa leçon à soupirer, à se plaindre d’une douleur intérieure, d’une peine secrète et violente. Ernestine se sentit touchée de l’état où elle le voyoit ; elle lui en demanda la cause avec intérêt, le pressa de la lui confier : mais voyant que ses questions le rendoient plus triste encore, elle cessa de l’interroger, sans cesser de s’occuper de son chagrin ; elle y pensoit à tous momens, attendoit impatiemment l’heure où le Marquis devoit venir ; portoit sur lui des regards curieux et attentifs, et le trouvant toujours sombre, elle baissoit les yeux, craignoit de rencontrer les siens, n’osoit lui parler, et se demandoit tout bas : Qu’a-t-il donc ? je le croyois si heureux ! hélas ! auroit-il cessé de l’être ?

Pendant qu’elle partageoit la douleur du Marquis, sans en connoître le principe, il s’occupoit du soin généreux de fixer pour jamais son sort, de le rendre heureux et indépendant. Madame Duménil, engagée