les douceurs de l’opulence, est-il facile de s’en priver ? Pourriez-vous renoncer au marquis de Clémengis, à ses bienfaits intéressés ; fuir, mépriser, haïr cet homme vil… — Renoncer à lui ! le fuir ! le mépriser ! s’écria Ernestine ; quels noms osez-vous lui donner ? eh ! pourquoi le fuir ? qu’a-t-il fait ? par où mérite-t-il d’exciter l’horreur qu’il vous inspire » ?
« Vous m’embarrassez, reprit Henriette ; comment mes discours vous causent-ils tant de surprise ? ne recevez-vous pas les visites de cet homme ? ne passe-t-il pas une partie du jour dans votre appartement ? d’autres personnes y sont-elles admises ? êtes-vous déterminée à continuer ce commerce déshonorant ? Si vous aimez le marquis de Clémengis, si la seule idée de vous séparer de lui vous révolte, vous arrache un cri de douleur, que venez-vous donc faire ici ? Apprenez-moi le sujet de cette étrange démarche : prétendez-vous excuser votre conduite, me contraindre à l’approuver ? que voulez-vous ? que me demandez-vous ? pourquoi me cherchez-vous » ?
« Un commerce déshonorant, répéta Ernestine ! Eh ! depuis quand l’amitié déshonore-t-elle l’objet qui la fait naître, l’excite et la partage ? Personne n’est admis dans mon appartement. Eh ! qui chercheroit à me voir ? Le marquis de Clémengis est ma seule connoissance, mon unique ami. Élevée loin du monde, accoutumée à m’occuper, je n’ai point encore senti le besoin de me distraire, de me fuir moi-même, ni le désir de former des liaisons. Madame Duménil, autrefois si répandue, depuis l’instant où elle est rentrée dans ses biens, s’est éloignée de ses