à s’y retirer. Le Marquis se chargea de lui envoyer à l’instant sa femme de chambre, le seul domestique qu’elle vouloit garder, et la débarrassa du soin d’avertir madame Duménil d’une si brusque séparation. À sa prière, Henriette consentit à recevoir chez elle les effets les plus précieux d’Ernestine, d’où on les transporteroit ensuite à l’abbaye. Elle accepta la régie des biens de son amie, et l’offre que lui fit le Marquis d’en remettre les titres entre ses mains.
En se prêtant à ces arrangemens, qui allaient lui ravir la liberté de voir Ernestine à tous les moments du jour, M. de Clémengis s’efforçoit de paraître tranquille ; mais peu accoutumé à déguiser les mouvements de son âme, ses regards découvroient le trouble et l’agitation d’une passion inquiète. Il prit les mains d’Ernestine ; et la regardant avec une tendresse inexprimable : « Ô ma charmante amie ! lui dit-il, n’oubliez jamais un homme qui a pu passer tant d’heures auprès de vous et réprimer une ardeur dont l’objet et la vivacité lui offroient une excuse si naturelle. Je vous aime ! vous l’ignoriez ; il m’est doux de vous le dire, de vous le répéter ! Oui, je vous aime, je vous adore ! combien il m’en a coûté pour vous le taire si longtemps ! je m’applaudis de vous avoir respectée : plus mes désirs étaient grands, plus l’innocence et la sensibilité de votre cœur me présentoient l’idée flatteuse d’un triomphe assuré ; plus la victoire que j’ai remportée sur moi-même est satisfaisante : si vous croyez devoir quelque retour à ma tendre, à ma solide amitié, accordez-moi la récompense d’un effort si difficile, d’une retenue si constante ; cessez de vous affliger, dissipez