Mademoiselle Duménil pensoit trop noblement, pour ne pas approuver une partie du dessein de son amie ; et dans celle qui lui paroissoit mériter plus de considération, elle la voyoit si attachée à ses propres idées, qu’entreprendre de la détourner d’aller à Clémengis, c’était l’affliger beaucoup, sans pouvoir s’assurer de changer sa résolution : elle ne lui dit donc rien, la laissa maîtresse d’interpréter son silence, et toutes deux se hâtèrent de revenir à Paris.
Pendant la route, Ernestine se souvint d’un honnête vieillard qui prenoit soin des affaires de M. de Clémengis, et lui étoit extrêmement attaché ; il s’appeloit Lefranc. Pendant son séjour chez M. Duménil, elle le voyoit souvent avec lui. Le Marquis avoit employé le peintre sur la parole de M. Lefranc, qui vantoit sans cesse son talent. Elle se rappela qu’il logeoit dans le voisinage, et son premier soin en arrivant à Montmartre, où elle voulut descendre, fut d’inviter cet homme, par un billet pressant, à venir lui parler le lendemain de grand matin ; une affaire importante, où il pouvoit l’obliger, l’engageoit, lui disoit-elle, à l’entretenir et à le consulter. Il se rendit à l’abbaye à l’heure indiquée.
La présence d’un homme qui aimoit M. de Clémengis, qui tenoit à lui, excita la plus vive émotion dans le cœur d’Ernestine. Elle voulut s’expliquer, commença à parler, mais ses pleurs la forcèrent de s’arrêter.
Le bon vieillard, charmé de revoir la belle élève de son ancien ami, l’assuroit de son empressement à la servir, et lui faisoit mille protestations de suivre exactement les ordres qu’elle alloit lui donner. Il n’i-