souhaite que le ciel lui rende le comté de Saint-Servains, sa fortune, sa santé, et lui conserve une amie aussi tendre, aussi respectable que vous… »
« Sa santé ! interrompit vivement Ernestine ; ah, mon Dieu ! seroit-il malade ? — Ne vous effrayez pas, Mademoiselle, reprit M. Lefranc, il l’a été, il l’a beaucoup été, mais il se trouve mieux ; j’espère le voir avant peu ; si le succès ne trompe point mon attente, je serai à Clémengis avant la fin de la semaine. Calmez-vous, Mademoiselle, je ne partirai pas sans envoyer prendre vos ordres ; je vous écrirai peut-être ce que la crainte d’élever de fausses espérances dans votre cœur, m’oblige de vous taire à présent. » En achevant ces mots, il la salua respectueusement et prit congé d’elle.
Quelle nouvelle amertume pénétra l’âme d’Ernestine ! Le marquis de Clémengis malheureux, le Marquis de Clémengis malade, en danger peut-être ! comment soutenir cette cruelle idée ? Si le silence d’Henriette montroit qu’elle condamnoit sa démarche, si la crainte de déplaire à cette véritable amie mêloit un peu d’indécision à ses desseins, l’état du Marquis l’emporta sur toutes les considérations qui pouvoient l’arrêter encore. Elle écrivit à mademoiselle Duménil. Sa lettre détermina Henriette à lui prêter une chaise, un de ses gens pour courir devant elle, et à lui envoyer des chevaux de poste, comme elle l’en pressoit. À midi, madame de Ranci et elle partirent.
Que d’impatience pendant la route, que de soupirs, de larmes ! « Ah ! si je ne le voyois plus, disoit-elle à madame de Ranci, si le ciel me privoit de lui, si j’étois condamnée à pleurer sa mort ? ah ! pourrois-